• La nuit la plus funeste et la plus malheureuse
    Qui vît jamais dissoudre une étreinte amoureuse
    Pliait son noir manteau, pour sortir du séjour
    Où l'aimable Amarante était morte d'amour,
    Et portait en fuyant vers sa demeure sombre
    Un crêpe, que son deuil avait fait de son ombre.
    La courrière du jours, qui vient d'un air riant
    Ouvrir tous les matins les...

  • [...] Sur le milieu s'élève un beau tertre qui pousse
    L'éternelle fraîcheur d'une odorante mousse,
    Et de son flanc ouvert par un petit canal
    Verse à menus bouillons un liquide cristal,
    A qui nature semble avoir formé de l'herbe
    Un bassin d'émeraude éclatant et superbe,
    Où l'eau garde toujours un état tempéré,
    Comme celle qu'on trouve en un bain préparé...

  • Ja le pesché velu, jà l'orenge doré,
    Le friand abricot, et le coing decoré
    D'un blanchastre duvet, portent sur leur escorce,
    Escrite du grand Dieu la pourvoyante force.
    La doux-flairante pomme, et l'une et l'autre noix,
    La restraignante poire, et le fruict idumois,
    La figue jette-laict, la cerise pourpree,
    L'olive appetissante, et la prune sucree,
    Vont...

  • ... L'architecte du monde ordonna qu'à leur tour
    Le jour suivist la nuict, la nuict suivist le jour.
    La nuict peut temperer du jour la secheresse,
    Humecte nostre ciel et nos guerets engresse ;
    La nuict est celle-là qui de ses ailes sombres
    Sur le monde muet fait avecques les ombres
    Desgouter le silence, et couler dans les os
    Des recreus animaux un...

  • ... Bien que par le pesché, dont nostre premier pere
    Nous a bannis du ciel, la terre dégenere
    De son lustre premier, portant de son seigneur
    Sur le front engravé l'éternel deshonneur ;
    Que son aage decline avec l'aage du monde ;
    Que sa fecondité la rende moins feconde,
    Semblable à celle-là dont le corps est cassé
    Des tourmens de Lucine, et dont le front lassé...

  • Ô le second honneur des celestes chandelles,
    Asseuré calendrier des fastes eternelles,
    Princesse de la mer, flambeau guide-passant,
    Conduy-somme, aime-paix, que diray-je, ô croissant,
    De ton front inconstant, qui fait que je balance
    Tantost ça tantost là d'une vaine inconstance,
    Si par l'oeil toutesfois l'humain entendement
    De corps tant esloignez peut faire...

  • Mon esprit, qui voloit sur ces brillantes voutes,
    Qui vont tout animant de leurs diverses routes,
    Qui commandoit aux vents, aux orages souffreux,
    Aux esclairs flamboyants, aux images affreux
    Qui s'engendrent en l'air, d'un langage assez brave
    N'agueres discouroit sur un sujet si grave ;
    Mais razant ce jourd'huy le plus bas element,
    Il est comme contraint de...

  • ... Que ne fais-tu proffit, ô frénétique France,
    Des signes dont le ciel t'appelle à repentance ?
    Peux-tu voir d'un oeil sec ce feu prodigieux,
    Qui nous rend chasque soir effroyables les cieux,
    Cest astre chevelu qui menace la terre
    De peste, guerre, faim, trois pointes du tonnerre,
    Qu'en sa plus grand fureur Dieu foudroye sur nous ?
    Mais, las ! que peut du...

  • ... Je te salue, ô Terre, ô Terre porte-grains,
    Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains,
    Porte-fruicts, porte-tours, alme, belle, immobile,
    Patiente, diverse, odorante, fertile,
    Vestue d'un manteau tout damassé de fleurs
    Passementé de flots, bigarré de couleurs.
    Je te salue, ô coeur, racine, baze ronde,
    Pied du grand animal qu'on appelle le Monde,...

  • Sois-moi fidèle, ô pauvre habit que j'aime !
    Ensemble nous devenons vieux.
    Depuis dix ans, je te brosse moi-même,
    Et Socrate n'eut pas fait mieux.
    Quand le sort à ta mince étoffe
    Livrerait de nouveaux combats,
    Imite-moi, résiste en philosophe :
    Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

    Je me souviens, car j'ai bonne mémoire,
    Du premier jour où je...