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    Au premier mille, hélas ! de mon pèlerinage,
    Temps où le cœur tout neuf voit tout à son image.
    Où l'âme de seize ans, vierge de passions,
    Demande à l'univers ses mille émotions,
    Le soir d'un jour de fête au golfe de Venise,
    Seul, errant sans objet dans ma barque indécise,
    Je suivais, mais de loin, sur la mer, un bateau
    Dont les concerts...

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    Vallon, rempli de mes accords,
    Ruisseau, dont mes pleurs troublaient l’onde,
    Prés, colline, forêt profonde ;
    Oiseaux, qui chantiez sur ces bords !

    Zéphyr, qu’embaumait son haleine,
    Sentiers, où sa main tant de fois
    M’entraînait à l’ombre des bois,
    Où l’habitude me ramène !

    Le temps n’est plus! mon œil glacé,...

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    Je sommeillais sans rêve,
    Comme Écho dans mes bois :
    Mais qu'une voix s'élève,
    Soudain la mienne achève;
    Un sou me rend la voix.

    Que celle qui m'éveille
    A de touchants concerts !
    Jamais à mon oreille
    Harpe ou lyre pareille
    N'enchanta ces déserts,

    Depuis l'heure charmante
    Où le servant d'amour,
    ...

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    I

    Quand l'Arabe altéré, dont le puits n'a plus d'onde,
    A plié le matin sa tente vagabonde
    Et suspendu la source aux flancs de ses chameaux,
    Il salue en partant la citerne tarie,
    Et, sans se retourner, va chercher la patrie
    Où le désert cache ses eaux.

    Que lui fait qu'au couchant le vent de feu se lève
    Et, comme un...

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    Au printemps, les lis des champs filent
    Leur tunique aux chastes couleurs ;
    Les gouttes que les nuits distillent
    Le matin se changent en fleurs.
    La terre est un faisceau de tiges
    Dont l'odeur donne des vertiges
    Qui font délirer tous les sens ;
    Les brises folles, les mains pleines,
    Portent à Dieu, dans leurs haleines,...

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    Il est doux d'aspirer, en abordant la grève,
    Le parfum que la brise apporte à l'étranger,
    Et de sentir les fleurs que son haleine enlève
    Pleuvoir sur votre front du haut de l'oranger.

    I1 est doux de poser sur le sable immobile
    Un pied lourd, et lassé du mouvement des flots ;
    De voir les blonds enfants et les femmes d'une île...

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    L'aube sur le rocher lance un trait de lumière ;
    L'oiseau chante avant moi : «Béni soit le Seigneur ! »
    Ce nom est plus tôt dans mon cœur
    Que le jour n'est dans ma paupière.

    Je disais autrefois: « Que ferai-je aujourd'hui ? »
    Et la gloire, et l'amour, et mes vaines pensées,
    Disputaient au réveil mes heures insensées;
    Mais le...

  • Heureux qui, s’écartant des sentiers d’ici-bas,
    À l’ombre du désert allant cacher ses pas,
    D’un monde dédaigné secouant la poussière,
    Efface, encor vivant, ses traces sur la terre,
    Et, dans la solitude enfin enseveli,
    Se nourrit d’espérance et s’abreuve d’oubli !
    Tel que ces esprits purs qui planent dans l’espace,
    Tranquille spectateur de cette ombre...

  • Source limpide et murmurante
    Qui de la fente du rocher
    Jaillis en nappe transparente
    Sur l'herbe que tu vas coucher,

    Le marbre arrondi de Carrare,
    Où tu bouillonnais autrefois,
    Laisse fuir ton flot qui s'égare
    Sur l'humide tapis des bois.

    Ton dauphin verdi par le lierre
    Ne lance plus de ses naseaux,
    En jets ondoyants de lumière,...

  • Il creusait dans la mer son sillage d'écume,
    Le navire grondant qui respire le feu ;
    Nous suivions cette côte où le Vésuve fume :
    Les cyprès étaient noirs, l'eau verte, le ciel bleu.

    Une vague enjouée, en poursuivant la poupe,
    Des perles de la mer aspergeait le bateau,
    Comme le buis bénit qu'on trempe dans la coupe
    Sur le front des passants jette le...