Nature, laisse-moi me mêler à ta fange,
M'enfoncer dans la terre où la racine mange,
Où la sève montante est pareille à mon sang.
Je suis comme ton monde où fauche le croissant
Et sous le baiser dru du soleil qui ruisselle,
J'ai le frisson luisant de ton herbe nouvelle.
Tes oiseaux sont éclos dans le nid de mon coeur,
J'ai dans la chair le goût précis...
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Sors de ta chrysalide, ô mon âme, voici
L'Automne. Un long baiser du soleil a roussi
Les étangs ; les lointains sont vermeils de feuillage,
Le flexible arc-en-ciel a retenu l'orage
Sur sa voûte où se fond la clarté d'un vitrail ;
La brume des terrains rôde autour du bétail
Et parfois le soleil que le brouillard efface
Est rond comme la lune aux marges... -
Enfant, pâle embryon, toi qui dors dans les eaux
Comme un petit dieu mort dans un cercueil de verre.
Tu goûtes maintenant l'existence légère
Du poisson qui somnole au-dessous des roseaux.
Tu vis comme la plante, et ton inconscience
Est un lis entr'ouvert qui n'a que sa candeur
Et qui ne sait pas même à quelle profondeur
Dans le sein de la terre il... -
Peut-être serai-je plus gaie
Quand, dédaigneuse du bonheur,
Je m'en irai vieille et fanée,
La neige au front et sur le coeur :
Quand la joie ou les cris des autres
Seront mon seul étonnement
Et que des pleurs qui furent nôtres
Je n'aurai que le bavement.
Alors, on me verra sourire
Sur un brin d'herbe comme au temps
Où sans... -
Je t'ai écrit au clair de lune
Sur la petite table ovale,
D'une écriture toute pâle,
Mots tremblés, à peine irisés
Et qui dessinent des baisers.
Car je veux pour toi des baisers
Muets comme l'ombre et légers
Et qu'il y ait le clair de lune
Et le bruit des branches penchées
Sur cette page détachée. -
Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main,
Je dirai : j'ai pétri ce petit monde humain ;
Sous ce front dont la courbe est une aurore étroite
J'ai logé l'univers rajeuni qui miroite
Et qui lave d'azur les chagrins pluvieux.
Je dirai : j'ai donné cette flamme à ces yeux,
J'ai tiré du sourire ambigu de la lune,
Des reflets de la mer, du velours de la prune... -
Souvent le coeur qu'on croyait mort
N'est qu'un animal endormi ;
Un air qui souffle un peu plus fort
Va le réveiller à demi ;
Un rameau tombant de sa branche
Le fait bondir sur ses jarrets
Et, brillante, il voit sur les prés
Lui sourire la lune blanche. -
Levons-nous, le jour bleu colle son front aux vitres,
La note du coucou réveille le printemps,
Les rameaux folichons ont des gestes de pitres,
Les cloches de l'aurore agitent leurs battants.
La nuit laisse en fuyant sa pantoufle lunaire
Traîner dans l'air mouillé plein de sommeil encor
Et derrière les monts cachant sa face claire
Le soleil indécis... -
Dans la pelouse endormie
Sous l'azur pâle et rêveur,
Les brises en accalmie
Bercent les bouleaux pleureurs.
En ce silence de rêve
Une voix d'oiseau
Seule et divine s'élève
Des bouleaux.
Au jour bas de l'avenue
Lointaine sous les rameaux
Deux formes sont apparues,
Deux corps enlacés et beaux.
La femme blanche, légère... -
L'enchantement lunaire endormant la vallée
Et le jour s'éloignant sur la mer nivelée
Comme une barque d'or nombreuse d'avirons,
J'ai rassemblé, d'un mot hâtif, mes agneaux ronds,
Mes brebis et mes boucs devenus taciturnes
Et j'ai pris le chemin des chaumières nocturnes.
Que l'instant était doux dans le tranquille soir !
Sur l'eau des rayons bleus étant...