•  
    Hier la plage était une plaine aveuglante
    Sous l’œil évocateur de la lune en son plein,
    Et l’océan rampait, avec sa force lente
    Au frisson déferlant de son reflux félin. —

    Hier la nuit vivante était l’apothéose,
    Dans son intensité, de nos rêves vivants ;
    La nature berçait d’un calme grandiose
    Le repos fugitif des vagues et des vents.

    Et...

  • CHANTS DE SAPHO

    I

    Je veux te couronner de strophes immortelles,
    Je veux jeter ton nom jusqu’au plus haut des cieux.
    Qu’il éclate partout, mordant l’airain des stèles
    Qu’érigera pour toi mon rythme audacieux !

    T’arrachant à la nuit où ton destin végète...

  •  
    Les temps étaient venus : depuis cent mille années
    La terre agonisait sous le Soleil vieilli,
    Comme une femme ancienne aux prunelles fanées
    Grelotte à son foyer désert, de deuil empli.

    Dans la croissante horreur des ténébreux nuages
    L’orbe mélancolique éteignait son regard ;
    Un séculaire ennui le rongeait sur les plages ;
    Le soir des jours...

  •  
    La brume monte et la brise nocturne
    Plie en pleurant le tronc des noirs cyprès ;
    Dans le ravin l’eau, comme au fond d’une urne,
    Bouillonne et gronde en roulant sur les grès.

    Aux pieds des rocs, dans l’humide vallée,
    Git, les yeux clos, un fils du Daghestan ;
    Il est blessé : sa paupière est voilée
    D’ombre, et le sang rougit son noir kaftan....

  • *

    Je t’avais revêtu des splendeurs de mon âme,
    Ton corps incomparable était un mannequin,
    Mes désirs étaient l’or masquant un faux sequin,
    Et le dieu n’était dieu que par l’épithalame !

    Les rubis de mon sang, la pourpre de ma flamme
    D’un reflet somptueux baisaient ton front mesquin.
    Tel l’océan...

  • *

    Lorsque tu me brisais sur tes brûlantes crêtes,
    Ô redoutable mer des sombres voluptés,
    À l’heure où ton zénith allumait sur nos têtes
    Les fastueux bûchers de songes regrettés,

    Lors même que ravi sur tes sublimes faîtes,
    Désir, je m’abreuvais de tes félicités,
    Je n’ai point ignoré les coups que tu...

  • POÈMES LYRIQUES

    PROLOGUE

    LA RUSSIE

    J’apporte à ton amour le chant tendre et rêveur
                    De cette Muse slave
    Qui de neige vêtue, et du feu plein le cœur,
    Est comme un lac...

  •  
    Au loin blanchit la voile solitaire
    Dans les brouillards irradiés des cieux :
    Que cherche-t-elle aux confins de la terre ?
    Que laissa-t-elle aux pays des aïeux ?

    Le vent se lève au cri de la tempête,
    Le mât tordu craque et plie à l’avant :
    Nulle terreur, nul espoir ne l’arrête ;
    Blanche, elle passe et fuit avec le vent.

    La vague verte...