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    I

    C’est encore une année en fuite et qui s’enfonce,
    Et qui va s’éteignant dans l’âtre avec la cendre ;
    La chambre se recueille et toute elle se fonce ;
    Et les reflets, dans le miroir, semblent descendre.

    La bûche lentement dans l’âtre se consume ;
    La chambre songe, encore un peu enluminée
    Par la bûche qui est déjà presque posthume,
    ...

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    I

    Nous sommes dans l’amour comme sur un navire
    Qui prend le large et va vers un port incertain ;
    Le ciel est bleu, les flots ont des plis de satin
    Sur le corps de la mer géante qui s’étire.

    Les passagers d’amour penchés sur les haubans,
    Tandis qu’un vent léger dans les voiles circule,
    Regardent les lointains que leur désir recule
    Afin d...

  • Les chambres, qu’on croirait d’inanimés décors,
    — Apparat de silence aux étoffes inertes —
    Ont cependant une âme, une vie aussi certes,
    Une voix close aux influences du dehors
    Qui répand leur pensée en halos de sourdines…

    Les unes, faste, joie, un air de nonchaloir !
    D’autres, le résigné sourire d’un parloir
    Qui fit vœu de blancheur chez les...

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    Quand on va s’accouder au balcon de la vie
    Pour contempler la fin pensive du printemps,
    On se sent envahir par l’impossible envie
    D’étreindre dans ses bras les horizons flottants.

    Là-bas comme une ville aux vitres allumées,
    Tout le Passé s’étend sous le grand ciel blafard
    Et la tristesse bleue et lente des fumées
    Ressemble à des ruisseaux...

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    I

    Tels yeux sont des pays de glace, un climat nu
    Où l’on chemine sans chemins dans l’inconnu ;
    D’autres, des soirs de province pleins de fumées
    Où passent des oiseaux aux ailes déplumées
    Qui leur font ces plaintifs regards intermittents ;
    D’autres vides, mais sous l’influence du temps,
    Où la mer de leur âme à flots muets déferle,
    Sont...

  • Quand on rentre chez soi, délivré de la rue,
    Aux fins d'automne où, gris cendré, le soir descend
    Avec une langueur qu'il n'a pas encore eue,
    La chambre vous accueille alors tel qu'un absent...

    Un absent cher, depuis longtemps séparé d'elle,
    Dont le visage aimé dormait dans le miroir ;
    Ô chambre délaissée, ô chambre maternelle
    Qui, toute seule, eût des...

  • Les miroirs, par les jours abrégés des décembres,
    Songent-telles des eaux captives-dans les chambres,
    Et leur mélancolie a pour causes lointaines
    Tant de visages doux fanés dans ces fontaines
    Qui s'y voyaient naguère, embellis du sourire !

    Et voilà maintenant, quand soi-même on s'y mire,
    Qu'on croit y retrouver l'une après l'autre et seules
    Ces figures...

  • L'aquarium, toujours frissonnant, est étrange
    Avec son eau qu'on ne sait quoi ride et dérange
    Et qui se crispe moins d'un éveil de poissons
    Que des yeux qu'en passant nous posâmes sur elle,
    Et de savoir un peu de ce que nous pensons.
    On dirait que toujours quelque chose chancelle
    Dans cette eau sensitive au silence ambigu.
    Eau de l'aquarium qui,...

  • Si tristes les vieux quais bordés d'acacias !
    Pourtant, toi qui passais, tu les apprécias
    Ces vieux quais où tel beau cygne de l'eau changeante
    Entre parfois dans une âme qui s'en argente.
    Si tristes les vieux quais, les eaux pleines d'adieux,
    Inertes comme les bandeaux silencieux
    D'une morte ! les eaux sur qui pleure une cloche,
    Les immobiles eaux sur...

  • La ville est morte, morte, irréparablement !
    D'une lente anémie et d'un secret tourment,
    Est morte jour à jour de l'ennui d'être seule...
    Petite ville éteinte et de l'autre temps qui

    Conserve on ne sait quoi de vierge et d'alangui
    Et semble encor dormir tandis qu'on l'enlinceule ;
    Car voici qu'à présent, pour embaumer sa mort,
    Les canaux, pareils à des...