• LE VIEUX MONDE

    O flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
    Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
    Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
    Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
    Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
    Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
    Ta vague monte avec...

  •  
    Je suis fait d’ombre et de marbre.
    Comme les pieds noirs de l’arbre,
    Je m’enfonce dans la nuit.
    J’écoute ; je suis sous terre ;
    D’en bas je dis au tonnerre :
    Attends ! Ne fais pas de bruit.

    Moi qu’on nomme le poète,
    Je suis dans la nuit muette
    L’escalier mystérieux ;
    Je suis l’escalier Ténèbres ;
    Dans mes spirales funèbres...

  • I

    Ma vie entre déjà dans l’ombre de la mort,
    Et je commence à voir le grand côté des choses.
    L’homme juste est plus beau, terrassé par le sort ;
    Et les soleils couchants sont des apothéoses.

    Brutus vaincu n’a rien dont s’étonne Caton ;
    Morus voit Thraséas et se laisse proscrire ;
    Socrate, qu’Anitus fait boire au Phlégéthon,...

  • XXXII

    Il lui disait : — Vos chants sont tristes. Qu’avez-vous ?
    Ange inquiet, quels pleurs mouillent vos yeux si doux ?
    Pourquoi, pauvre âme tendre, inclinée et fidèle,
    Comme un jonc que le vent a ployé d’un coup d’aile,
    Pencher...

  • (extraits)

    ... Les fleurs souffrent sous le ciseau,
    Et se ferment ainsi que des paupières closes ;
    Toutes les femmes sont teintes du sang des roses ;
    La vierge au bal, qui danse, ange aux fraîches couleurs,
    Et qui porte en sa main une touffe de fleurs,
    Respire en souriant un bouquet d'agonies.
    Pleurez sur les laideurs et les ignominies,
    ...

  • Espérez ! espérez ! espérez, misérables !
    Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
    Pas d'enfer éternel !
    Les douleurs vont à Dieu, comme la flèche aux cibles ;
    Les bonnes actions sont les gonds invisibles
    De la porte du ciel.

    Le deuil est la vertu, le remords est le pôle
    Des monstres garrottés dont le gouffre est la geôle ;
    Quand, devant...

  • Il lui disait : - Vos chants sont tristes. Qu'avez-vous ?
    Ange inquiet, quels pleurs mouillent vos yeux si doux ?
    Pourquoi, pauvre âme tendre, inclinée et fidèle,
    Comme un jonc que le vent a ployé d'un coup d'aile,
    Pencher votre beau front assombri par instants ?
    Il faut vous réjouir, car voici le printemps,
    Avril, saison dorée, où, parmi les zéphires,...

  • LE VIEUX MONDE

    Ô flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
    Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
    Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
    Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
    Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
    Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
    Ta vague monte...

  • Je suis fait d'ombre et de marbre.
    Comme les pieds noirs de l'arbre,
    Je m'enfonce dans la nuit.
    J'écoute ; je suis sous terre ;
    D'en bas je dis au tonnerre :
    Attends ! ne fais pas de bruit.

    Moi qu'on nomme le poëte,
    Je suis dans la nuit muette
    L'escalier mystérieux ;
    Je suis l'escalier Ténèbres ;
    Dans mes spirales funèbres
    ...

  • Le vieillard chaque jour dans plus d'ombre s'éveille ;
    A chaque aube il est mort un peu plus que la veille.
    La vie humaine, ce noeud vil,
    Se défait lentement, rongé par l'âme ailée ;
    Le sombre oiseau lié veut prendre sa volée
    Et casse chaque jour un fil.

    Ô front blanc qu'envahit la grande nuit tombante,
    Meurs ! tour à tour ta voix, ta force...