• O mon cœur ! ce sera dans l’Août bleu et torride.
    Lasse, vous poserez sur le coffret de buis
    vos ciseaux où s’accrochera de la lumière.
    Vous laisserez aller votre taille en arrière.
    Vous fermerez vos cils sur vos yeux de lavande
    dont l’Eté semblera parfumer votre chambre.
    Il sera je ne sais quelle heure après-midi :
    l’heure où la guêpe en feu va boire...

  • Oh ! ce parfum d’enfance dans la prairie trempée
    d’eau et d’azur, parfum de pieuse jonchée
    de joncs-fleuris sous les pas de processions
    des hameaux noirs, parfum de fougère écrasée
    au soir d’un jour torride, quand les inflexions
    des chants ne peuvent pas mourir et que mon âme
    a peur de trop aimer, parfum de lys en flammes,
    comme j’en voyais dans les...

  • On dit qu’à Noël, dans les étables, à minuit,
    l’âne et le bœuf, dans l’ombre pieuse, causent.
    Je le crois. Pourquoi pas ? Alors, la nuit grésille :
    les étoiles font un reposoir et sont des roses.

    L’âne et le bœuf ont ce secret pendant l’année.
    On ne s’en douterait pas. Mais, moi, je sais qu'ils ont
    un grand mystère sous leurs humbles fronts.
    Leurs...

  • À Raymond Bonheur.

    On m’éreinte dans le Musée des familles,
    moi qui chante les anciens magazines
    et les rires charmants des jeunes filles
    qui le lisaient à l’ombre des charmilles.

    Une d’elles, rêveuse, et ses yeux bleus au ciel,
    le coude à son genou et la...

  • La paix est dans le bois silencieux et sur
    les feuilles en sabre qui coupent l’eau qui coule,
    l’eau reflète, comme en un sommeil, l’azur
    pur qui se pose à la pointe dorée des mousses.

    Je me suis assis au pied d’un chêne noir
    et j’ai laissé tomber ma pensée. Une grive
    se posait haut. C’était tout. Et la vie,
    dans ce silence, était magnifique, tendre...

  • Par ce que j’ai souffert, ma mésange bénie,
    je sais ce qu’a souffert l’autre : car j’étais deux…
    Je sais vos longs réveils au milieu de la nuit
    et l’angoisse de moi qui vous gonfle le sein.
    On dirait par moments qu’une tête chérie,
    confiante et pure, ô vous qui êtes la sœur des lins
    en fleurs et qui parfois fixez le ciel comme eux,
    on dirait qu’une...

  • Les pâturages, au bord des eaux, sont épais.
    La pluie lourde a couché les blés trempés,
    et les feuilles des berges sont très vertes,
    excepté que les saules sont en cendre légère.
    Les foins, comme des ruches, sont dressés.
    Les coteaux sont si doux qu’ils semblent caressés.
    Poète ami, tout serait doux sans la douleur
    qui nous enlève tous les plaisirs du...

  • Le pauvre chien a peur, il marche dans la neige et
    s’arrête. Les enfants lui crient : allez couchéééé !
    Le ciel est en argent, en ombre, en cendre, et l’on
    n’entend pas les pas taper la rue sourde et froide sans son.
    Une laitière passe et, pour ne pas tomber,
    tremble. Et, dans ma chambre bleue et grise,
    le bois du feu jute, roule, sent fort aux doigts et...

  •  
    Le pauvre pion doux si sale m’a dit : j’ai
    bien mal aux yeux et le bras droit paralysé.

    Bien sûr que le pauvre diable n’a pas de mère
    pour le consoler doucement de sa misère.

    Il vit comme cela, pion dans une boîte,
    et passe parfois sur son front froid sa main moite.

    Avec ses bras il fait un coussin sur un banc
    et s’assoupit un peu comme un...

  • Le paysan, le soir, vient de la foire et toutes
    ses brebis marchent avec lui le long des routes.
    Il y a des veaux qui ne veulent pas marcher
    et il est obligé, pour les faire avancer,
    de les tirer par le cou avec une corde.
    Mais les veaux aux museaux blancs et morveux la mordent.
    Les brebis se mettent à courir fort parfois
    et le chien de l’homme qui a...