• Avant que nous rentrions, nous nous promenâmes.
    Il me semblait que nous tenions un bouquet d’âmes,
    et nous disions des mots qui nous faisaient nous taire.
    La nuit pure coulait dans l’eau du torrent vert
    et, sur les pics, flottaient des nuées immobiles
    pareilles aux nuées de quelque vieille bible.

    Une bonté d’amour...

  • Avec les pistolets aux fontes,
    il monte, il monte, il monte, il monte,

    monte la côte de la route,
    le soir dans la campagne rousse.

    Chapeau tricorne : il est marquis ;
    relevés sont ses pans d’habit.

    Du tricorne une roide tresse
    tombe et en avant il se baisse.

    Il est rasé, rasé, rasé,
    a les yeux bleus, un rouge nez.

    Et il arrive...

  • Avec ton parapluie bleu et tes brebis sales,
    avec tes vêtements qui sentent le fromage,
    tu t’en vas vers le ciel du coteau, appuyé
    sur ton bâton de houx, de chêne ou de néflier.
    Tu suis le chien au poil dur et l’âne portant
    les bidons ternes sur son dos saillant.
    Tu passeras devant les forgerons des villages,
    puis tu regagneras la balsamique montagne...

  • Les badauds faisaient des expériences
    où l’on voyait la foule en pantalons courts.
    On tirait des étincelles avec ignorance
    et on risquait d’être foudroyé du coup.

    On montait des ballons ornés comme un théâtre.
    Ils n’allaient pas bien et on se tuait.
    Les frères Montgolfier avaient de l’audace.
    L’Académie des sciences s’émouvait.

  • Bâte un âne qui porte une outre d’eau de roche
    à son flanc, car dans le pays des améthystes
    qu’il te faut longuement traverser l’eau n’existe
    pas, ni le pain que tu clôras en ta sacoche.

    Or c’est à Bassora, dans la boutique, à gauche
    de chez Aboul Hassan Ebn Taher le droguiste.
    Devant le souk un dromadaire laisse triste-
    ment pendre de sa lèvre une...

  • Toi, lasse en ton printemps de n’avoir pas aimé,
    Gamine au doux profil de vierge du Corrège.
    Tu pleures la saison des amandiers en neige
    Et les lilas légers du pâle mois de mai.

    Ô fillette ! Jamais un ami n’a fermé
    Sur toi, petit oiseau, ses deux bras comme un piège ?...
    Viens, viens : je te dirai des mots très doux... que sais-je ?...
    Je te dirai...

  • Tu me vois quelquefois triste, énervé, grincheux,
    — Quand j’ai fumé surtout mes pipes allemandes
    En travaillant longtemps — alors, tu me demandes
    D’où vient l’expression si dure de mes yeux.

    Tu me dis que mes grands bouquins sont ennuyeux
    Comme les pins et leurs petits pots dans les landes ;
    C’est vrai : viens... tes baisers sont comme des amandes :
    ...

  • Au mois de Mars (le Bélier ♈ ) on sème
    le trèfle, les carottes, les choux et la luzerne.
    On cesse de herser, et l’on met de l’engrais
    au pied des arbres et l’on prépare les carrés.
    On finit de tailler la vigne où l’on met en place,
    après l’avoir aérée, les échalas.

    Pour les bestiaux les rations d’hiver finissent.
    On ne mène plus, dans les prairies,...

  • Caügt avait deux jolis coqs dans son panier.
    Il a quatre-vingts ans. Il vit près des sentiers
    de Saint-Boès qui sont désolés et sauvages.
    Les bécassines y font luire leur plumage.
    Caügt m’a dit : salut ! Et dans le champ sauvage
    ma chienne essoufflée ramassait la bécassine
    tuée. Caügt m’a dit : j’ai connu vos parents
    qui sont morts. J’ai quatre-vingts...

  • Ce fils de paysan qui était bachelier,
    Nous avons suivi son convoi le long des lierres.

    Le Dimanche il quittait la petite ville
    et il allait déjeuner avec sa famille.
    ... L’après-midi, me disait-il, j’y lis Virgile.

    En pensant à cela mon cœur s’enfle et se tord
    — et je sens dans l’azur comme un parfum de mort.

    ... Oui, tu lisais Virgile, ami. Car l...