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    Nevermore ! Ce mot, que Verlaine a tracé
    Au fronton d’un poème amoureux, plein de charmes,
    Où sa muse plaintive évoquait le passé,
    Ce mot exotique est comme mouillé de larmes,

    Nevermore ! Jamais plus je n’irai bondir,
    Enfant échevelé, dans le pré qui verdoie ;
    Jamais plus je n’irai jouer et m’ébaudir
    Avec des compagnons...

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    Ainsi qu’un blanc troupeau qui marche au sacrifice,
    Les grands flots moutonneux vont vers le précipice,
    Et, comme subissant la fascination
    Du monstre à l’écumeuse et fauve torsion,
    L’immense nappe d’eau bouillonnante et rapide
    S’arrondit brusquement et bondit dans le vide.

    Quelle chute ! quel bruit ! quel engloutissement !
    Toute l’horreur du...

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    Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
    Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
    Et, faite pour chanter les gloires d’autrefois,
    Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

    Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
    Le séduisant brio du parler des Hellènes,
    Le chaud rayonnement des émaux florentins,
    Le diaphane et...

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    L’érable nu frissonne, et de jaunes débris
    Chaque sentier se couvre et chaque seuil s’encombre.
    La rafale à travers les branches a des cris
    Plaintifs comme le glas qui sanglote dans l’ombre.

    Les bruits assourdissants croissent sous les grands bois
    Agités et tordus comme une sombre houle.
    Les hommes de chantier sont partis pour cinq mois,
    Et le...

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    Le ciel est tout couvert de nuages marbrés.
    L’écho vibre au lointain comme un bronze d’alarmes.
    Chaque nuit le gel mord les rameaux diaprés,
    Et les feuilles des bois tombent comme des larmes.

    Il vente, il grêle, il pleut. Les lourds torrents gonflés
    Dans les vallons déserts grondent comme les fauves.
    Pour des bords plus cléments les maestros ailés...

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    Au poète Virgile Rossel.

    Il tonne ? Non. Le lac brise sur le rivage ?
    Non. Regardons, tournés vers la forêt sauvage,
    Entre deux rocs abrupts, se dérouler sans fin
    Le fluide rideau d’argent clair et d’or fin
    Dont une extrémité tombe à pic d’une cime
    Et l’autre tourne au fond d’un insondable abîme :
    C’est l’Ouiatchouan qui plonge...

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    On a fait un palais avec des blocs de glace.
    Son portail est orné d’étranges frondaisons.
    Du sommet transparent de sa tour l’œil embrasse
    De séduisants aspects, d’immenses horizons.

    L’édifice a des tons d’agate ciselée.
    Il se rit des assauts que lui livre le vent ;
    Il nargue le soleil, et nulle giboulée
    Ne ternit son éclat radieux et mouvant...

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    Paspébiac s’éveille. ― À peine l’aube glisse
    Ses premières lueurs sur l’infini mouvant,
    Que l’un des vieux pêcheurs du faubourg déjà hisse
    Sa voilure ondoyante au souffle âpre du vent.

    Incliné sur le flanc, le coquet bateau sille
    Avec un clapotis gai comme le réveil,
    Battant la marche à toute une blanche flottille
    Qui cingle, alertement, le...

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    À M.-E. Morrier

    Un régiment anglais marchait sur Saint-Eustache,
    Où Chénier, insurgé sans peur comme sans tache,
    Retranché dans l’église avec cent paroissiens,
    Soldats improvisés dignes des temps anciens,
    Attendait, l’arme au poing, l’approche de Colborne.

    Sous la bise, au milieu d’une campagne morne
    Que naguère animaient de...

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    Au sein du Sahara, ― la mer sinistre et dure
    Dont l’onde illimitée est du sable brûlant, ―
    Sous l’implacable ardeur d’un soleil aveuglant,
    Se profile parfois une île de verdure.

    C’est l’oasis avec ses aspects enchanteurs,
    Où figuiers et dattiers confondent leurs ramures,
    Où des sources d’eau vive unissent leurs murmures
    Aux concerts incessants...