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    Je songe à d’anciens soirs lorsque le vent du nord
    Sonnait du haut des tours tel qu’un veilleur qui corne,
    Et couvrait de brouillard le soleil jaune et morne
    Comme d’un blanc suaire un visage de mort.

    L’air était glacial ; on sentait les approches
    De l’automne où s’en vont les feuilles dans le vent ;
    Et, pareille aux clameurs d’oiseaux se...

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    I

    Les cloches ont de vastes hymnes,
    Si légères dans l’aube,
    Qu’on les croirait en robes
    De mousseline ;
    Robes des cloches balancées,
    Cloches en joie et qui épanchent
    Une musique blanche ;
    Ne sont-ce pas des mariées
    Ou des Premières Communiantes
    Qui chantent ?

    Chaque cloche s’ébranle à son tour ;

    Elle sort de sa...

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    I

    Dimanche : un pâle ennui d’âme, un désœuvrement
    De doigts inoccupés tapotant sourdement
    Les vitres, comme pour savoir leur peine occulte ;
    — Ah ! Ce gémissement du verre qu’on ausculte ! —
    Dimanche : l’air à soi-même dans la maison
    D’un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
    Quand les bruits du dehors se ouatent de silence.
    Dimanche :...

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    I

    Être le psychologue et l’ausculteur de l’eau,
    Étudier ce cœur de l’eau si transitoire,
    Ce cœur de l’eau souvent malade et sans mémoire.
    L’eau si pâle ! On dirait une sœur du bouleau
    Par le fard du couchant à peine un peu rosée ;
    Mais, dormante, elle rêve à d’orageuses mers,
    Et, somnolente, elle est la grande névrosée
    En qui se plaint...

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    Ma mère, pour ses jours de deuil et de souci,
    Garde dans un tiroir secret de sa commode
    Un petit coffre en fer rouillé, de vieille mode,
    Et ne me l’a fait voir que deux fois jusqu’ici.

    Comme un cercueil, la boîte est funèbre et massive,
    Et contient les cheveux de ses parents défunts,
    Dans des sachets jaunis aux pénétrants parfums,
    Qu’elle...

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    Parmi le rose éclat du Soir pacifié
    A la douceur duquel nul songeur ne résiste,
    Je le revois souvent, mon grand collège triste
    Dans un éloignement qui l’a sanctifié.

    Ces temps qu’on croit lointains et qui sont encor proches,
    Par le ressouvenir du cœur ― je les revis
    Ces jours pleins de vitraux et pleins de crucifix,
    Ces jours tout résonnants d...

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    Dans l’aube adolescente aux frissons indécis
    Où le soleil d’avril s’épand comme un glacis,
    On les voit s’avancer, Communiantes pâles,
    Cachant leurs bras frileux aux plis tièdes des châles ;
    On les voit s’avancer, et leur voile tremblant,
    Devant leurs yeux de vierge, a tout teinté de blanc.
    Et celles de la rue et celles des carrosses
    Vont riant...

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    I

    Ô mai ! moment blanc de l’année !
    Mois des blancs unanimes,
    Des blancs ― comme neigés !
    Blanc des jardins et des vergers,
    Blanc des cygnes,
    Blancs unanimes !

    C’est le mois où les cygnes ont l’air en fleur,
    Tout extasiés,
    Comme des cerisiers ;

    On dirait des Premières Communiantes,
    Chœur virginal
    Qui se pose...

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    I

    Pas d’amours ! cruelle ironie !
    Car là-bas les jeunes amants
    S’en vont dans la rose agonie
    Du jour, échangeant des serments !

    Ils reviennent de la campagne
    Avec des touffes de lilas
    Dont le parfum les accompagne ;
    Ils vont d’un air heureux et las.

    Devant l’eau jaunâtre et malade
    Ils s’accoudent aux garde-fous
    Pour...

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    Moi qui rêve toujours, moi qui n’ai jamais ri,
    Je ne puis résister à l’amour qui m’obsède ;
    Il faut que j’ouvre enfin mon cœur et que je cède,
    Et que j’offre aux baisers mon profil amaigri.

    L’étude dont mon rêve idéal s’est nourri
    Dans le drame des jours n’est qu’un triste intermède ;
    Dans l’amour, l’amour seul, qui puisse être un remède,
    ...