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    Mères, ne battez pas vos enfants ; laissez-les
    Courir dans la demeure indulgente, et poursuivre
    Cet idéal de bruit qui les grise, et qui livre
    Aux caprices du vent leurs cheveux débouclés.

    Aux portes de leurs cœurs ne brisez pas les clés !…
    S’étourdir, trébucher, salir, pour eux c’est vivre ;
    Car parmi ces rieurs plus d’un est encore ivre
    Du...

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    Par les après-midi d’hiver mélancoliques
    Je vais parfois dans les vieux temples catholiques,
    Quand c’est un jour de fête et qu’ils sont bien ornés,
    Quand les prêtres au fond des nefs sont prosternés
    Sous le jaunâtre éclat des lampes et des cierges,
    Et qu’on a mis leurs beaux manteaux aux saintes Vierges
    Dont le profil sourit dans un cadre de fleurs...

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    Ma mère, elle a voulu garder, la sainte femme,
    Mon massif berceau d’autrefois ;
    Il rêve dans un coin aux jours d’épithalame
    Où moi, l’enfant nouveau, j’avais une jeune âme
    Et la mère une jeune voix.

    Mais la voix s’est usée et plus jamais ne chante
    Puisque les enfants sont grandis ;
    Et moi, je m’use aussi dans la foule méchante
    Et le...

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    Mon Âme, je voudrais te faire souvenir
    Du beau soir vaporeux, du soir de l’autre année,
    Du soir dont nous aimions la verdure fanée
    Avec l’amour qu’on a pour ce qui va finir.

    Rappelle-toi l’étang du parc avec son île
    Formant comme un navire à l’ancre, enguirlandé
    De feuillage, où le clair de lune avait brodé
    Toute une floraison diaphane et...

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    La musique des carillons est pastorale.

    Aux temps anciens,
    Dans un commencement de lune,
    Quelque berger musicien
    Entendit toutes ses bêtes l’une après l’une
    Qui balançaient les cloches de leur cou
    Et faisaient un concert de musique inégale.

    Or le berger devint sonneur,
    Et, nostalgique de prairies
    Et de troupeaux qui bêlent doux,...

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    Au Docteur Van Weddingen.

    Dans les salons de fête et par les joyeux soirs
    J’ai songé bien des fois aux religieux mystiques
    Portant leur propre deuil dans leurs longs manteaux noirs,
    Et j’ai senti pour eux des pitiés sympathiques
    Dans les salons de fête et par les joyeux soirs !

    Tandis qu’ils font monter leurs hymnes...

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    Oublier ! ce n’est pas sa faute ni la mienne !
    Car l’amour n’est vraiment qu’une bohémienne
    Arrêtée un matin devant notre maison
    Avec, dans ses yeux clairs, tout le vaste horizon
    Du ciel bleu reflété comme au fil d’une source.
    La voyageuse va recommencer sa course,
    Mais, dans un frôlement, ses longs doigts cajoleurs
    Papillonnent autour de sa...

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    Le Passé, c’est un cher enseveli qu’on pleure
    Que nous aimons surtout maintenant qu’il est mort,
    Et qui nous fait songer, à travers un remords,
    Au temps où nous vivions dans la même demeure.

    Vers l’azur où s’en vont les âmes des oiseaux,
    Vers l’azur a monté sa jeune âme immortelle !
    Il est dans son cercueil de soie et de dentelle
    Dans son...

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    L’ai-je jamais aimée ou n’est-ce qu’un léger
    Caprice qui m’a fait un moment fleurir l’âme ?
    Ainsi dans les jardins, sous le soleil en flamme,
    Les floraisons d’avril que le vent fait neiger.

    Est-ce elle que j’aimais ou l’amour ? Que m’importe,
    Si j’ai senti mon cœur pavoisé d’un drapeau,
    Si j’ai pendant un jour trouvé le ciel plus beau
    Et joui...

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    I

    Le dimanche, attristé de cloches, remémore
    Les bonheurs espérés et qu’on aura pas eus,
    Les bonheurs dont, enfant, on parlait à Jésus
    Dans l’église aux vitraux roses comme une aurore !
    Car les cloches, avec leurs puériles voix,
    Et leur cheminement qui trébuche si frêle,
    — On dirait par moment d’une âme qui se fêle ! ―
    Sont les rêves et...