Le long des corridors aux murailles de pierre,
Les marbres déterres et dégages du lierre
Offrent leur grand désastre à la pitié des yeux.
Peuple autrefois sacré de héros et-de dieux,
Ils tombèrent, gardant leur attitude auguste.
La chute a fait rouler la tête loin du buste,
Mais il semble que l’âme, ayant quitté le chef,
Palpite encore autour...
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Tu seras éternellement,
Qu’on te nomme esprit ou matière ;
Cette vie est un court moment
De l’existence tout entière.Prends une pierre et brise-la,
Prends les morceaux, mets-les en poudre :
La même pierre est toujours là,
Tu ne peux rien que la dissoudre ;Livre ton âme à des amours
Qui la brisent et l’exténuent :
Elle... -
J’ai deux tentations, fortes également,
Le duvet de la rose et le crin du cilice :
Une rose du moins qui jamais ne se plisse,
Un cilice qui morde opiniâtrement ;Car les répits ne font qu’attiser le tourment,
Et le plus léger trouble est le pire supplice,
S’il traverse la vie aux heures de délice :
Plutôt le franc malheur que le bonheur qui... -
Quand on a tant aimé, c’est un rude réveil !
Tu t’es cru dans un nid semblable aux nids des haies,
Caché, sûr et profond. Vain songe ! Tu t’effraies
D’avoir osé dormir ce dangereux sommeil.La foi, bonne ou mauvaise, a donc un front pareil !
Tu ne veux même plus croire les larmes vraies ;
Et si l’amitié cherche à te panser tes plaies,
Ton... -
Le dimanche, au Borgo, les femmes et les filles,
Lasses d’avoir, six jours, traîné sous des guenilles,
Etalent bravement un linge radieux.
Ce n’est plus le costume éclatant des aïeux :
Quand le peuple vieillit, l’habit se décolore ;
Pourtant le rouge vif les réjouit encore :
Elles font resplendir sur le brun de leur peau
Des fichus qu’on dirait... -
Nature, accomplis-tu tes œuvres au hasard,
Sans raisonnable loi ni prévoyant génie ?
Ou bien m’as-tu donné par cruelle ironie
Des lèvres et des mains, l’ouïe et le regard ?Il est tant de saveurs dont je n’ai point ma part,
Tant de fruits à cueillir que le sort me dénie !
Il voyage vers moi tant de flots d’harmonie,
Tant de rayons qui tous m’... -
C’était un homme doux, de chétive santé,
Qui, tout en polissant des verres de lunettes,
Mit l’essence divine en formules très nettes,
Si nettes que le monde en fut épouvanté.Ce sage démontrait avec simplicité
Que le bien et le mal sont d’antiques sornettes
Et les libres mortels d’humbles marionnettes
Dont le fil est aux mains de la nécessité... -
Je plains les exilés qui laissent derrière eux
L’amour et la beauté d’une amante chérie ;
Mais ceux qu’elle a suivis au désert sont heureux :
Ils ont avec la femme emporté la patrie.
Ils retrouvent le jour de leur pays natal
Dans la clarté des yeux qui leur sourient encor,
Et des champs paternels, sur un front virginal,
Les lis abandonnés... -
Dans ce nid furtif où nous sommes,
Ô ma chère âme, seuls tous deux,
Qu’il est bon d’oublier les hommes,
Si près d’eux !Pour ralentir l’heure fuyante,
Pour la goûter, il ne faut pas
Une félicité bruyante ;
Parlons bas.Craignons de la hâter d’un geste,
D’un mot, d’un souffle seulement,
D’en perdre, tant elle est céleste,... -
J’étais mort, j’entrais au tombeau
Où mes aïeux rêvent ensemble.
Ils ont dit : « La nuit lourde tremble ;
Est-ce l’approche d’un flambeau ?« Le signal de la nouvelle ère
Qu’attend notre éternel ennui ?
— Non, c’est l’enfant...