• Si contre Amour je n'ay autre deffence,
    Je m'en plaindray, mes vers le maudiront,
    Et apres moy les roches rediront
    Le tort qu'il faict à ma dure constance.

    Puis que de luy j'endure cette offence,
    Au moings tout haut, mes rithmes le diront,
    Et nos neveus, a lors qu'ilz me liront,
    En l'outrageant, m'en feront la vengeance.

    Ayant perdu tout l'...

  • Pluviôse, irrité contre la ville entière,
    De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
    Aux pâles habitants du voisin cimetière
    Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

    Mon chat sur le carreau cherchant une litière
    Agite sans repos son corps maigre et galeux ;
    L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
    Avec la triste voix d'un fantôme frileux...

  • Tout s'enfle contre moy, tout m'assaut, tout me tente,
    Et le Monde et la Chair, et l'Ange revolté,
    Dont l'onde, dont l'effort, dont le charme inventé
    Et m'abisme, Seigneur, et m'esbranle, et m'enchante.

    Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
    Sans peril, sans tomber, et sans estre enchanté,
    Me donras tu? Ton Temple où vit ta Sainteté,
    Ton...

  • O ciel vouté qui la terre bien heures,
    O feu sans poix agilement leger,
    O air humide, o vent prompt messager,
    O large mer qui la terre ceintures,

    O terre riche, ô qui ton doz peintures
    De vers thesors pour l'homme soulager,
    Bois, pres, champs, eaux, que pour nous arranger,
    Nature essay' de mille architectures,

    Quand vous verrez que les...

  • Sonnet irrégulier.

    A Monsieur Moreau.

    Oui, Moreau, ma façon de vivre
    Est de voir peu d'honnêtes gens
    Et prier Dieu qu'il me délivre
    Surtout de messieurs mes parents.

    Ce que j'ai souffert avec eux
    Surpasse même la souffrance
    De celui qui, pour sa constance,
    Dans l'Écriture est si fameux.

    Hélas ! ce sage misérable...

  • Du tout me veux deshériter
    De ton amour : car profiter
    Je n'y pourrais pas longue espace,
    Vu qu'un autre reçoit ta grâce,
    Sans mieux que moi la mériter.
    Puisqu'à toi se veut présenter,
    De moi se devra contenter,
    Car je lui quitterai la place
    Du tout.

    Tes grâces sont fort à noter.
    On n'y saurait mettre, ne ôter.
    Tu as beau corps et...

  • Pour un dizain que gagnâtes mardi,
    Cela n'est rien, je ne m'en fais que rire,
    Et fut très aise alors que le perdis,
    Car aussi bien je voulais vous écrire
    Et ne savais bonnement que vous dire,
    Qui est assez pour se tenir tout coi.
    Or, payez-vous, je vous baille de quoi,
    D'aussi bon coeur que si je le donnaie ;
    Que plût à Dieu que ceux à qui je...

  • Du premier coup, entendez ma réponse,
    Fols détracteurs. Mon Maître vous annonce
    Par moi, qui suis l'un de ses clercs nouveaux,
    Que pour rimer ne vous craint deux naveaux,
    Et eussiez-vous de sens encor une once.

    Si l'épargnez, tous deux je vous renonce :
    Piquez-le donc mieux que d'épine ou ronce,
    Lui envoyant des meilleurs et plus beaux
    Du premier...

  • Elégie

    Quiconque aura premier la main embesongnée
    A te couper, forest, d'une dure congnée,
    Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
    Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
    Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
    Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
    Les b?ufs et les moutons de sa mère esgorgea,
    Puis pressé de la faim, soy-mesme se...

  • L'inimitié que je te porte,
    Passe celle, tant elle est forte,
    Des aigneaux et des loups,
    Vieille sorcîere deshontée,
    Que les bourreaux ont fouëttée
    Te honnissant de coups.

    Tirant apres toy une presse
    D'hommes et de femmes espesse,
    Tu monstrois nud le flanc,
    Et monstrois nud parmy la rue
    L'estomac, et l'espaule nue
    Rougissante de...