Au poète Armand Silvestre.
Lorsque la sombre croix sur nous sera plantée,
La terre nous ayant tous deux ensevelis,
Ton corps refleurira dans la neige des lys
Et de ma chair naîtra la rose ensanglantée.
Et la divine Mort que tes vers ont chantée,
En son vol noir chargé de silence et d'oublis,
Nous fera par le ciel, bercés d'un lent roulis,...
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Qu'ils aient vaincu l'Inca, l'Aztèque, les Hiaquis,
Les Andes, la forêt, les pampas ou le fleuve,
Les autres n'ont laissé pour vestige et pour preuve
Qu'un nom, un titre vain de comte ou de marquis.
Toi, tu fondas, orgueil du sang dont je naquis,
Dans la mer caraïbe une Carthage neuve,
Et du Magdalena jusqu'au Darien qu'abreuve
L'Atrato, le sol... -
Du temps que je vivais à mes frères pareil
Et comme eux ignorant d'un sort meilleur ou pire,
Les monts Thessaliens étaient mon vague empire
Et leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil.
Tel j'ai grandi, beau, libre, heureux, sous le soleil ;
Seule, éparse dans l'air que ma narine aspire,
La chaleureuse odeur des cavales d'Epire
Inquiétait parfois... -
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l'âpre sommet que le couchant allume ;
Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
La mer sans fin commence où la terre finit.
A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid
Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume.
Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l'... -
Cartagena de Indias.
1532-1583-1697.
Morne Ville, jadis reine des Océans !
Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres
Et le nuage errant allonge seul des ombres
Sur ta rade où roulaient les galions géants.
Depuis Drake et l'assaut des Anglais mécréants,
Tes murs désemparés croulent en noirs décombres
Et, comme un glorieux... -
Sous l'azur triomphal, au soleil qui flamboie,
La trirème d'argent blanchit le fleuve noir
Et son sillage y laisse un parfum d'encensoir
Avec des sons de flûte et des frissons de soie.
A la proue éclatante où l'épervier s'éploie,
Hors de son dais royal se penchant pour mieux voir,
Cléopâtre debout en la splendeur du soir
Semble un grand oiseau d'or... -
Le quadrige céleste à l'horizon descend,
Et, voyant fuir sous lui l'occidentale arène,
Le Dieu retient en vain de la quadruple rêne
Ses étalons cabrés dans l'or incandescent.
Le char plonge. La mer, de son soupir puissant,
Emplit le ciel sonore où la pourpre se traîne,
Tandis qu'à l'Est d'où vient la grande nuit sereine
Silencieusement s'argente le... -
Au rude Arès ! A la belliqueuse Discorde !
Aide-moi, je suis vieux, à suspendre au pilier
Mes glaives ébréchés et mon lourd bouclier,
Et ce casque rompu qu'un crin sanglant déborde.
Joins-y cet arc. Mais, dis, convient-il que je torde
Le chanvre autour du bois ? - c'est un dur néflier
Que nul autre jamais n'a su faire plier -
Ou que d'un bras tremblant... -
Jadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons,
Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;
Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ;
Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.
L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulons
Seules. L'antre est désert que la broussaille encombre ;
Et parfois je me prends, dans la nuit chaude... -
Un des consuls tué, l'autre fuit vers Linterne
Ou Venuse. L'Aufide a débordé, trop plein
De morts et d'armes. La foudre au Capitolin
Tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.
En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
Et consulté deux fois l'oracle sibyllin ;
D'un long sanglot l'aïeul, la veuve, l'orphelin
Emplissent Rome en deuil que...