• Lecteur paisible et bucolique,
    Sobre et naïf homme de bien,
    Jette ce livre saturnien,
    Orgiaque et mélancolique.

    Si tu n'as fait ta rhétorique
    Chez Satan, le rusé doyen,
    Jette ! tu n'y comprendrais rien,
    Ou tu me croirais hystérique.

    Mais si, sans se laisser charmer,
    Ton oeil sait plonger dans les gouffres,
    Lis-moi, pour...

  • Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
    " Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
    Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de lumière et de fraternité !

    Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
    De peine, de sueur et de soleil cuisant
    Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
    Mais je ne serai...

  • " D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
    Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? "
    - Quand notre coeur a fait une fois sa vendange,
    Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

    Une douleur très simple et non mystérieuse,
    Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
    Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
    Et, bien que...

  • I

    Que m'importe que tu sois sage ?
    Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
    Ajoutent un charme au visage,
    Comme le fleuve au paysage ;
    L'orage rajeunit les fleurs.

    Je t'aime surtout quand la joie
    S'enfuit de ton front terrassé ;
    Quand ton coeur dans l'horreur se noie ;
    Quand sur ton présent se déploie
    Le nuage affreux du passé....

  • Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
    D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
    Les souvenirs lointains lentement s'élever
    Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,

    Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
    Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
    Jette fidèlement son cri religieux,
    Ainsi qu'un vieux soldat qui...

  • Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
    Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
    A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
    Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

    Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
    Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
    De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'...

  • Comme un beau cadre ajoute à la peinture,
    Bien qu'elle soit d'un pinceau très vanté,
    Je ne sais quoi d'étrange et d'enchanté
    En l'isolant de l'immense nature,

    Ainsi bijoux, meubles, métaux, dorure,
    S'adaptaient juste à sa rare beauté ;
    Rien n'offusquait sa parfaite clarté,
    Et tout semblait lui servir de bordure.

    Même on eût dit parfois...

  • Dans une terre grasse et pleine d'escargots
    Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
    Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
    Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde,

    Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
    Plutôt que d'implorer une larme du monde,
    Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
    A saigner tous les bouts de ma...

  • J'aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
    D'où semblent couler des ténèbres,
    Tes yeux, quoique très noirs, m'inspirent des pensers
    Qui ne sont pas du tout funèbres.

    Tes yeux, qui sont d'accord avec tes noirs cheveux,
    Avec ta crinière élastique,
    Tes yeux, languissamment, me disent : " Si tu veux,
    Amant de la muse plastique,

    Suivre l'...

  • Quoique tes sourcils méchants
    Te donnent un air étrange
    Qui n'est pas celui d'un ange,
    Sorcière aux yeux alléchants,

    Je t'adore, ô ma frivole,
    Ma terrible passion !
    Avec la dévotion
    Du prêtre pour son idole.

    Le désert et la forêt
    Embaument tes tresses rudes,
    Ta tête a les attitudes
    De l'énigme et du secret.

    Sur ta...