• Ils défilent au chant étouffé des sandales,
    Le chef bas, égrenant de massifs chapelets,
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Mordore la splendeur funéraire des dalles.

    Ils s'effacent soudain, comme en de noirs dédales,
    Au fond des corridors plein de pourpres relais
    Où de grands anges peints aux vitraux verdelets
    Interdisent l'entrée...

  • Fais, au blanc frisson de tes doigts,
    Gémir encore, ô ma maîtresse !
    Cette marche dont la caresse
    Jadis extasia les rois.

    Sous les lustres aux prismes froids,
    Donne à ce coeur sa morne ivresse,
    Aux soirs de funèbre paresse
    Coulés dans ton boudoir hongrois.

    Que ton piano vibre et pleure,
    Et que j'oublie avec toi l'heure
    Dans un Eden...

  • Mon âme a la candeur d'une chose étiolée,
    D'une neige de février...
    Ah ! retournons au seuil de l'Enfance en allée,
    Viens-t-en prier...

    Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie,
    Comme tu faisais autrefois
    Lorsqu'en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie
    Montait ta voix.

    Ah ! la fatalité d'être une âme candide
    ...

  • L'aube éclabousse les monts de sang
    Tout drapés de fine brume,

    Et l'on entend meugler frémissant
    Un boeuf au naseau qui fume.

    Voici l'heure de la boucherie.
    Le tenant par son licol,

    Les gars pour la prochaine tuerie
    Ont mis le mouchoir au col.

    La hache s'abat avec tel han,
    Qu'ils pausent contre habitude.

    Procumbit...

  • Ah! comme la neige a neigé!
    Ma vitre est un jardin de givre.
    Ah! comme la neige a neigé!
    Qu'est-ce que le spasme de vivre
    A la douleur que j'ai, que j'ai.

    Tous les étangs gisent gelés,
    Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
    Tous ses espoirs gisent gelés:
    Je suis la nouvelle Norvège
    D'où les blonds ciels s'en sont allés.
    Pleurez,...

  • Nous étions là deux enfants blêmes
    Devant les grands autels à franges,
    Où Sainte Marie et ses anges
    Riaient parmi les chrysanthèmes.

    Le soir poudrait dans la nef vide ;
    Et son rayon à flèche jaune,
    Dans sa rigidité d'icone
    Effleurait le grand Saint livide.

    Nous étions là deux enfants tristes
    Buvant la paix du sanctuaire,
    ...

  • Lorsque tout bruit était muet dans la maison,
    Et que mes soeurs dormaient dans des poses lassées
    Aux fauteuils anciens d'aïeules trépassées,
    Et que rien ne troublait le tacite frisson,

    Ma mère descendait à pas doux de sa chambre ;
    Et, s'asseyant devant le clavier noir et blanc,
    Ses doigts faisaient surgir de l'ivoire tremblant
    La musique mêlée aux lunes...

  • Pour ne pas voir choir les roses d'automne,
    Cloître ton coeur mort en mon coeur tué.
    Vers des soirs souffrants mon deuil s'est rué,
    Parallèlement au mois monotone.

    Le carmin tardif et joyeux détonne
    Sur le bois dolent de roux ponctué...
    Pour ne pas voir choir les roses d'automne,
    Cloître ton coeur mort en mon coeur tué.

    Là-bas, les...

  • Au temps où je portais des habits de velours,
    Eparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
    J'avais de grands yeux purs comme le clair des lunes ;
    Dès l'aube je partais, sac au dos, les pas lourds.

    Mais en route aussitôt je tramais des détours,
    Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
    Je montais à l'assaut des pommes et des prunes
    Dans les...

  • Le grand boeuf roux aux cornes glauques
    Hante là-bas la paix des champs,
    Et va meuglant dans les couchants
    Horriblement ses râles rauques.

    Et tous ont tu leurs gais colloques
    Sous l'orme au soir avec leurs chants.
    Le grand boeuf roux aux cornes glauques
    Hante là-bas la paix des champs.

    Gare, gare aux desseins méchants!
    Belles en blanc,...