• Ma douce enfant, ma pauvre enfant, sois forte et calme.
    Pense à Dieu, pense à notre amour éternel. Lève
    Les yeux, souris, et vois, d'un battement si faible,
    Mes cils mouillés répondre à ton sourire pâle.

    Dis-moi : Je t'aime, encor. Je t'aime, et puis ne parle
    Plus ; les mots font mal à ceux qui vont mourir. Laisse
    Ta gorge se gonfler sur mon coeur, à...

  • Ne mêle pas l'esprit aux choses de la chair.
    Sache, aux moments secrets où le corps est en fête,
    Redescendre à l'obscur délire de la bête.
    Tumultueux et sourd et fort comme la mer,
    Laisse gronder tes sens en orgues de tempête,
    Et que sous l'onde en feu de tes baisers halète
    L'orgueilleuse impudeur de la beauté parfaite.
    Il faut qu'au fond des soirs...

  • La pensée est une eau sans cesse jaillissante.
    Elle surgit d'un jet puissant du coeur des mots,
    Retombe, s'éparpille en perles, jase, chante,
    Forme une aile neigeuse ou de neigeux rameaux,
    Se rompt, sursaute, imite un saule au clair de lune,
    S'écroule, décroît, cesse. Elle est soeur d'Ariel
    Et ceint l'écharpe aux tons changeants de la Fortune
    Où l'on...

  • Ton coeur est fatigué des voyages ? Tu cherches
    Pour asile un toit bas et de chaume couvert,
    Un verger frais baigné d'un crépuscule vert
    Où du linge gonflé de vent pende à des perches ?

    Alors ne va pas plus avant : Voici l'enclos.
    Cette porte d'osier qui repousse des feuilles,
    Ouvre-la, s'il est vrai, poète, que tu veuilles
    Connaître après l'amer...

  • La voix du soir est sainte et forte,
    Lourde de songe et de parfums,
    Et son flot d'ombre me rapporte
    La cendre des espoirs défunts.

    J'ai dit à l'amour qu'il s'en aille,
    Et son pas d'aube, je l'écoute
    Qui dans la gaieté des sonnailles
    S'étouffe au tournant de la route.

    La douceur de ce soir témoigne
    De la bonté calme des choses....

  • Une flûte au son pur, je ne sais où, soupire.
    C'est dimanche. La ville est paisible, il fait bleu ;
    Et l'âme à qui l'azur semble toujours suffire
    Bénit le soir tombant et la bonté de Dieu.

    Pourtant cet air qui pleure au fond du crépuscule,
    Là-bas, chez des voisins, ce dimanche d'été,
    Cet aveu sans espoir qu'une flûte module,
    A l'entendre, mon...

  • Goûte, me dit le Soir de juin avec douceur,
    Goûte ma reposante et secrète harmonie,
    Et forme tendrement ton âme et ton génie
    Sur le ciel d'où je viens avec la Nuit ma soeur.

    Regarde-nous marcher au bord de la colline,
    Comme un couple inégal de beaux adolescents
    Sur mon épaule, avec des gestes languissants,
    La Nuit lente à me suivre en soupirant s'...

  • Ma fenêtre était large ouverte sur la nuit.
    La maison reposant autour de moi sans bruit,
    J'écrivais, douloureux poète d'élégies,
    A la clarté dansante et douce des bougies.
    Un souffle d'air chargé des parfums du jardin
    Me ravit en entrant la lumière soudain,
    Et je me trouvai seul dans l'ombre avec mon rêve.
    Ma montre palpitait, précipitée et brève,...

  • Souvent, le front posé sur tes genoux, je pleure,
    Plus faible que ton coeur amoureux, faible femme,
    Et ma main qui frémit en recevant tes larmes
    Se dérobe aux baisers de feu dont tu l'effleures.

    " Mais, dis-tu, cher petit enfant, tu m'inquiètes ;
    J'ai peur obscurément de cette peine étrange :
    Quel incurable rêve ignoré des amantes
    L'Infini met-il...

  • Que ton souffle renaisse, Eté des vieilles joies,
    Et ramène l'espoir et son divin cortège,
    Et ravive l'écho de mes pas sur la grève
    Où le vol des corbeaux et des rêves tournoie.

    Car ma jeunesse s'empoussière aux vains grimoires,
    Tant qu'elle sèche et peu à peu se désagrège,
    Et l'automne, duègne ridée et sacrilège,
    Vert-de-grise l'étang de mon âme...