• Tu n'as jamais été, dans tes jours les plus rares,
    Qu'un banal instrument sous mon archet vainqueur,
    Et, comme un air qui sonne au bois creux des guitares,
    J'ai fait chanter mon rêve au vide de son coeur.

  • Quand chassés, sans retour, des temples vénérables,
    Tordus au vent de feu qui soufflait du Thabor,
    Les grands olympiens étaient si misérables
    Que les petits enfants tiraient leur barbe d'or ;

    Durant ces jours d'angoisse où la terre étonnée
    Portait, comme un fardeau, l'écroulement des cieux,
    Un seul homme, debout contre la destinée,
    Osa, dans leur...

  • Sonnet

    Quoi ! Sans te soucier de l'océan qui gronde,
    Tu veux ta place à bord, sur mon vaisseau perdu ;
    Et pour dire à Colomb qu'il a trouvé son monde,
    Tu n'attends pas, enfant, qu'il en soit revenu !

    Dans tes bras frémissants j'ai mis ma tête blonde.
    J'ai bu ton souffle en feu, dans mon sein répandu ;
    Et, comme le pêcheur voit la perle sous l'onde...

  • Savez-vous pas quelque douce retraite,
    Au fond des bois, un lac au flot vermeil,
    Où des palmiers la grande feuille arrête
    Les bruits du monde et les traits du soleil
    - Oh ! je voudrais, loin de nos vieilles villes,
    Par la savane aux ondoyants cheveux,
    Suivre, en rêvant, les écureuils agiles,
    Et voir sauter, sur les branches mobiles,
    L'ara de pourpre et...

  • Le long du fleuve jaune, on ferait bien des lieues,
    Avant de rencontrer un mandarin pareil.
    Il fume l'opium, au coucher du soleil,
    Sur sa porte en treillis, dans sa pipe à fleurs bleues.

    D'un tissu bigarré son corps est revêtu ;
    Son soulier brodé d'or semble un croissant de lune ;
    Dans sa barbe effilée il passe sa main brune,
    Et sourit doucement sous...

  • (Song-Tchi-Ouen)

    Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
    Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
    Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
    Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts !

    Je montai jusqu'au temple accroché sur l'abîme ;
    Un bonze m'accueillit, un bonze aux yeux baissés.
    Là, dans les profondeurs de...

  • Ce n'est pas le vent seul, quand montent les marées,
    Qui se lamente ainsi dans les goémons verts,
    C'est l'éternel sanglot des races éplorées !
    C'est la plainte de l'homme englouti sous les mers.

    Ces débris ont vécu dans la lumière blonde ;
    Avant toi, sur la terre ils ont marqué leurs pas.
    Contemple avec effroi ce qui reste d'un monde,
    Et d'un pied...

  • Quand, sur le grand taureau, tu fendais les flots bleus,
    Vierge phénicienne, Europe toujours belle,
    La mer, soumise au Dieu, baisait ton pied rebelle,
    Le vent n'osait qu'à peine effleurer tes cheveux !

    Un amant plus farouche, un monstre au cou nerveux
    T'emporte, maintenant, dans sa course éternelle ;
    La rafale, en fureur, te meurtrit de son aile ;
    La...

  • Suivez-moi, Marquise,
    Parmi les parfums et la brise,
    Vers le Temple d'Amour
    Qui nous sourit aux derniers rais du jour,
    Suivez-moi, Bergère,
    Parmi la mousse et la fougère,

    Et les fleurs s'ouvrant sous vos pas,
    Diront: " d'Amour, la mère
    Est plus sévère,
    Et Flore a moins d'appas ! "
    Venez sous l'aubépine rose,
    Moins rose que ta...

  • Ta lèvre est une boisson fraîche
    Qui brûle mon coeur !
    L'anémone rose et la pêche
    Se mêlent sur ta joue en fleur !

    Ton regard, sous ta chevelure,
    Eclair dans la nuit !
    Raya mon coeur d'une félure
    D'où ma force vers toi s'enfuit !

    Fleur de grenade et rose blanche,
    Ô " Charme du Jour ! "
    Les balancements de ta hanche
    Scandent...