• L'air était pur, la nuit régnait sans voiles ;
    Elle riait du dépit de l'amour :
    Il aime l'ombre, et le feu des étoiles,
    En scintillant, formait un nouveau jour.

    Tout s'y trompait. L'oiseau, dans le bocage,
    Prenait minuit pour l'heure des concerts ;
    Et les zéphyrs, surpris de ce ramage,
    Plus mollement le portaient dans les airs.

    Tandis qu'aux...

  • Je me meurs, je succombe au destin qui m'accable.
    De ce dernier moment veux-tu charmer l'horreur ?
    Viens encore une fois presser ta main coupable
    Sur mon coeur.

    Quand il aura cessé de brûler et d'attendre,
    Tu ne sentiras pas de remords superflus ;
    Mais tu diras : " Ce coeur, qui pour moi fut si tendre,
    N'aime plus. "

    Vois l'amour qui s'enfuit...

  • Il a parlé. Prévoyante ou légère,
    Sa voix cruelle et qui m'était si chère
    A dit ces mots qui m'atteignaient tout bas :
    "Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas !

    "Ne m'aimez pas si vous êtes sensible,
    "Jamais sur moi n'a plané le bonheur.
    "Je suis bizarre et peut-être inflexible ;
    "L'amour veut trop : l'amour veut tout un coeur
    "Je hais ses pleurs, sa...

  • Des roses de Lormont la rose la plus belle,
    Georgina, près des flots nous souriait un soir :
    L'orage, dans la nuit, la toucha de son aile,
    Et l'Aurore passa triste, sans la revoir !

    Pure comme une fleur, de sa fragile vie
    Elle n'a respiré que les plus beaux printemps.
    On la pleure, on lui porte envie :
    Elle aurait vu l'hiver ; c'est vivre trop de...

  • Vous souvient-il de cette jeune amie,
    Au regard tendre, au maintien sage et doux ?
    À peine, hélas ! Au printemps de sa vie,
    Son coeur sentit qu'il était fait pour vous.

    Point de serment, point de vaine promesse :
    Si jeune encore, on ne les connaît pas ;
    Son âme pure aimait avec ivresse
    Et se livrait sans honte et sans combats.

    Elle a perdu...

  • Tu m'as connue au temps des roses,
    Quand les colombes sont écloses ;
    Tes yeux alors pleins de soleil
    Ont brillé sur mon teint vermeil.
    Souriant à ma destinée,
    Par ta douce force entraînée,
    Je ne t'aimai pas à demi,
    Mon jeune ami, mon seul ami !

    À l'étonnement de nos âmes
    Tout jetait des fleurs et des flammes ;
    Une feuille, un bruit de...

  • N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
    Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
    J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
    Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
    N'écris pas !

    N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
    Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
    Au fond de ton absence...

  • Ô délire d'une heure auprès de lui passée,
    Reste dans ma pensée !
    Par toi tout le bonheur que m'offre l'avenir
    Est dans mon souvenir.

    Je ne m'expose plus à le voir, à l'entendre,
    Je n'ose plus l'attendre,
    Et si je puis encor supporter l'avenir,
    C'est par le souvenir.

    Le temps ne viendra pas pour guérir ma souffrance,
    Je n'ai plus d'...

  • À André Borel.

    Pauvre bougre !
    JULES JANIN.


    Là dans ce sentier creux, promenoir solitaire
    De mon clandestin mal,
    Je viens tout souffreteux, et je me couche à terre
    Comme un brute animal.
    Je viens couver ma faim, la tête sur la pierre,
    Appeler le sommeil.
    Pour étancher un peu ma brûlante paupière ;
    Je viens user mon écot de...

  • (à Gérard, poète)

    Sous le soleil torride au beau pays créole,
    Où l'Africain se courbe au bambou de l'Anglais,
    Encontre l'ouragan, le palmier qui s'étiole
    Aux bras d'une liane unit son bois épais.

    En nos antiques bois, le gui, saint parasite,
    Au giron d'une yeuse et s'assied et s'endort ;
    Mêlant sa fragile herbe, et subissant le sort
    Du tronc...