• Elle avait dix-neuf ans. Moi, treize. Elle était belle ;
    Moi, laid. Indifférente, - et moi je me tuais...
    Rêveur sombre et brûlant, je me tuais pour elle.
    Timide, concentré, fou, je m'exténuais...
    Mes yeux noirs et battus faisaient peur à ma mère ;
    Mon pâle front avait tout à coup des rougeurs
    Qui me montaient du coeur comme un feu sort de terre !
    Je...

  • A***.

    Je vivais sans coeur, tu vivais sans flamme,
    Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;
    Tu pris de mes sens, - je pris de ton âme,
    Et tous deux ainsi nous nous partageâme :
    Mais c'est toi qui fis le meilleur cadeau !

    Oui ! c'est toi, merci... C'est toi, sainte femme,
    Qui m'as fait sentir le profond amour...
    Je mis de ma nuit...

  • Oh ! pourquoi voyager ? as-tu dit. C'est que l'âme
    Se prend de longs ennuis et partout et toujours ;
    C'est qu'il est un désir, ardent comme une flamme,
    Qui, nos amours éteints, survit à nos amours !
    C'est qu'on est mal ici ! - Comme les hirondelles,
    Un vague instinct d'aller nous dévore à mourir ;
    C'est qu'à nos coeurs, mon Dieu ! vous avez mis des ailes.
    ...

  • Ex imo.

    C'était dans la ville adorée,
    Sarcophage pour moi des premiers souvenirs,
    Où tout enfant j'avais, en mon âme enivrée,
    Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs !
    C'était là... qu'une après-midi, dans une rue,
    Dont un soleil d'août, de sa lumière drue,
    Frappait le blanc pavé désert, - qu'elle passa,
    Et qu'en moi, sur ses pas, tout mon...

  • A Mademoiselle Marthe Brandès.

    Te souviens-tu du soir, où près de la fenêtre
    Ouverte d'un salon plein de joyeux ébats,
    Tu n'avais pas seize ans... les avais-tu ?... Peut-être ?
    Sous le rideau tombé, nous nous parlions tout bas ?...
    Ce n'était pas l'amour que t'exprimait ma bouche,
    Mon coeur était trop vieux, trop glacé, trop hautain,
    Pour parler à...

  • Je pris pour maître, un jour, une rude Maîtresse,
    Plus fauve qu'un jaguar, plus rousse qu'un lion !
    Je l'aimais ardemment, - âprement, - sans tendresse,
    Avec possession plus qu'adoration !
    C'était ma rage, à moi ! la dernière folie
    Qui saisit, - quand, touché par l'âge et le malheur,
    On sent au fond de soi la jeunesse finie...
    Car le soleil des jours...

  • A la baronne H. de B.

    Nénuphars blancs, ô lys des eaux limpides,
    Neige montant du fond de leur azur,
    Qui, sommeillant sur vos tiges humides,
    Avez besoin, pour dormir, d'un lit pur ;
    Fleurs de pudeur, oui ! vous êtes trop fières
    Pour vous laisser cueillir... et vivre après.
    Nénuphars blanc, dormez sur vos rivières,
    Je ne vous cueillerai jamais...

  • A Clary.

    Tu ne sais pas, Clary, quand, heureuse, ravie,
    Tu me tends ton épaule et ton front tour à tour,
    Que dans la double coupe où je puise la vie
    Il est un autre goût que celui de l'amour...
    Ô ma chère Clary, tu ne sais pas sans doute
    Qu'il est derrière nous un funèbre Échanson
    Dont la main doit verser d'abord, goutte par goutte,
    Dans tout...

  • ... A l'heure où sur la mer le soir silencieux
    Efface les lointaines voiles,
    Où, lente, se déploie, en marche dans les cieux,
    L'armée immense des étoiles,

    Ne songes-tu jamais que ce clair firmament,
    Comme la mer a ses désastres ?
    Que, vaisseaux envahis par l'ombre, à tout moment
    Naufragent et meurent des astres ? [...]

  • Ni sa pensée, en vol vers moi par tant de lieues,
    Ni le rayon qui court sur son front de lumière,
    Ni sa beauté de jeune dieu qui la première
    Me tenta, ni ses yeux - ces deux caresses bleues ;

    Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu'on touche,
    Ni rien de ce qu'on voit de lui ne vaut sa bouche
    Où l'on meurt de plaisir et qui s'acharne à mordre,

    Sa...