• A travers le bois fauve et radieux,
    Récitant des vers sans qu'on les en prie,
    Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
    Les Comédiens, rois et demi-dieux.

    Hérode brandit son glaive odieux ;
    Dans les oripeaux de la broderie,
    Cléopâtre brille en jupe fleurie
    Comme resplendit un paon couvert d'yeux.

    Puis, tout flamboyants sous les chrysolithes...

  • Italie, Italie, ô terre où toutes choses
    Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
    Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
    Des sorbets à la neige et des ballets divins !

    Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
    Voici qu'on pense à toi, car voici venir mai,
    Et nous ne verrons plus les redingotes longues
    Où tout parfait dandy...

  • Par le chemin des vers luisants,
    De gais amis à l'âme fière
    Passent aux bords de la rivière
    Avec des filles de seize ans.
    Beaux de tournure et de visage,
    Ils ravissent le paysage
    De leurs vêtements irisés
    Comme de vertes demoiselles,
    Et ce refrain, qui bat des ailes,
    Se mêle au vol de leurs baisers :

    Avec nous l'on chante et l'on aime,...

  • Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
    Elles apportent l'âme aux limites de l'être,
    Et livrent des secrets autrement ineffables,
    Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.

    Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ;
    Leur langage est plus fort que toutes les paroles ;
    Rien n'exprime que lui les choses immortelles
    ...

  • Quand le Faisan doré courtise sa femelle,
    Et fait, pour l'éblouir, la roue, il étincelle
    De feux plus chatoyants qu'un oiseau de vitrail.
    Dressant sa huppe d'or, hérissant son camail
    Couleur d'aube et zébré de rayures d'ébène,
    Gonflant suri plastron rouge ardent, il se promène,
    Chaque aile soulevée, en hautaines allures ;
    Son plumage s'emplit de lueurs...

  • La tranquille habitude aux mains silencieuses
    Panse, de jour en jour, nos plus grandes blessures ;
    Elle met sur nos coeurs ses bandelettes sûres
    Et leur verse sans fin ses huiles oublieuses ;

    Les plus nobles chagrins, qui voudraient se défendre,
    Désireux de durer pour l'amour qu'ils contiennent,
    Sentent le besoin cher et dont ils s'entretiennent
    ...

  • " Où es-tu ? ", disait-elle, errant sur le rivage
    Où des saules trempaient leurs feuillages tremblants ;
    Et des larmes d'argent coulaient dans ses doigts blancs
    Quand elle s'arrêtait, les mains sur son visage.

    Et lui, errant aussi sur un sable sauvage
    Où des joncs exhalaient de longs soupirs dolents,
    Sous la mort du soleil, au bord des flots sanglants...

  • (extrait)

    - L'ange reste près d'elle ; il sourit à ses pleurs,
    Et resserre les noeuds de ses chaînes de fleurs ;
    Arrachant une plume à son aile azurée,
    Il la met dans la main qui s'était retirée.
    En vain, elle résiste, il triomphe... il sourit...
    Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.

  • Qu'importe qu'en un jour on dépense une vie,
    Si l'on doit en aimant épuiser tout son coeur,
    Et doucement penché sur la coupe remplie,
    Si l'on doit y goûter le nectar du bonheur.

    Est-il besoin toujours qu'on achève l'année ?
    Le souffle d'aujourd'hui flétrit la fleur d'hier ;
    Je ne veux pas de rose inodore et fanée ;
    C'est assez d'un printemps, je ne...

  • Pourquoi tomber déjà, feuille jaune et flétrie ?
    J'aimais ton doux aspect dans ce triste vallon.
    Un printemps, un été furent toute ta vie,
    Et tu vas sommeiller sur le pâle gazon.

    Pauvre feuille ! il n'est plus, le temps où ta verdure
    Ombrageait le rameau dépouillé maintenant.
    Si fraîche au mois de mai, faut-il que la froidure
    Te laisse à peine...