• De ce ciel bizarre et livide,
    Tourmenté comme ton destin,
    Quels pensers dans ton âme vide
    Descendent ? Réponds, libertin.

    - Insatiablement avide
    De l'obscur et de l'incertain,
    Je ne geindrai pas comme Ovide
    Chassé du paradis latin.

    Cieux déchirés comme des grèves,
    En vous se mire mon orgueil,
    Vos vastes nuages en deuil

    ...

  • Que j'aime voir, chère indolente,
    De ton corps si beau,
    Comme une étoffe vacillante,
    Miroiter la peau !

    Sur ta chevelure profonde
    Aux âcres parfums,
    Mer odorante et vagabonde
    Aux flots bleus et bruns,

    Comme un navire qui s'éveille
    Au vent du matin,
    Mon âme rêveuse appareille
    Pour un ciel lointain.

    Tes yeux, où rien...

  • Vous pouvez mépriser les yeux les plus célèbres,
    Beaux yeux de mon enfant, par où filtre et s'enfuit
    Je ne sais quoi de bon, de doux comme la Nuit !
    Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres !

    Grands yeux de mon enfant, arcanes adorés,
    Vous ressemblez beaucoup à ces grottes magiques
    Où, derrière l'amas des ombres léthargiques,
    Scintillent...

  • Les amants des prostituées
    Sont heureux, dispos et repus ;
    Quant à moi, mes bras sont rompus
    Pour avoir étreint des nuées.

    C'est grâce aux astres nonpareils,
    Qui tout au fond du ciel flamboient,
    Que mes yeux consumés ne voient
    Que des souvenirs de soleils.

    En vain j'ai voulu de l'espace
    Trouver la fin et le milieu ;
    Sous je ne sais...

  • Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
    Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
    Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
    Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

    Pendant que des mortels la multitude vile,
    Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
    Va cueillir des remords dans la fête servile,
    Ma douleur, donne-moi la...

  • ... Ne réservez pas à ma vieillesse un château, mais faites-
    moi la grâce de me garder, comme dernier refuge, cette cuisine
    avec sa marmite toujours en l'air,
    avec la crémaillère aux dents diaboliques,
    la lanterne d'écurie et le moulin à café,
    le litre de pétrole, la boîte de chicorée extra et les allumettes
    de contrebande,
    avec la lune en papier jaune...

  • Est-elle almée ?... aux premières heures bleues
    Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...
    Devant la splendide étendue où l'on sente
    Souffler la ville énormément florissante !

    C'est trop beau ! c'est trop beau ! mais c'est nécessaire
    - Pour la Pêcheuse et la chanson du Corsaire,
    Et aussi puisque les derniers masques crurent
    Encore aux fêtes de nuit...

  • Seigneur, quand froide est la prairie,
    Quand dans les hameaux abattus,
    Les longs angelus se sont tus...
    Sur la nature défleurie
    Faites s'abattre des grands cieux
    Les chers corbeaux délicieux.

    Armée étrange aux cris sévères,
    Les vents froids attaquent vos nids !
    Vous, le long des fleuves jaunis,
    Sur les routes aux vieux calvaires,
    Sur les...

  • A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
    Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
    A, noir corset velu des mouches éclatantes
    Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

    Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
    Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
    I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles...

  • L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
    L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
    La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
    Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.