• Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
    Loin du noir océan de l'immonde cité,
    Vers un autre océan où la splendeur éclate,
    Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ?
    Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe ?

    La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
    Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
    Qu'accompagne l'immense orgue des...

  • Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
    Babel sombre, où roman, science, fabliau,
    Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
    Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
    Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
    Disait : " La Terre est un gâteau plein de douceur ;
    Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !)
    Te faire un appétit d'une...

  • L'Amour est assis sur le crâne
    De l'Humanité,
    Et sur ce trône le profane,
    Au rire effronté,

    Souffle gaiement des bulles rondes
    Qui montent dans l'air,
    Comme pour rejoindre les mondes
    Au fond de l'éther.

    Le globe lumineux et frêle
    Prend un grand essor,
    Crève et crache son âme grêle
    Comme un songe d'or.

    J'entends le...

  • Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ;
    Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos coeurs maudits,
    Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles,
    Répondent les échos de vos De profundis.

    Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes,
    Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer
    De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes,
    Je l'...

  • La diane chantait dans les cours des casernes,
    Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.

    C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants
    Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents ;
    Où, comme un oeil sanglant qui palpite et qui bouge,
    La lampe sur le jour fait une tache rouge ;
    Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd,
    Imite les...

  • Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
    Traversé çà et là par de brillants soleils ;
    Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
    Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

    Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
    Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
    Pour rassembler à neuf les terres inondées,
    Où l'eau creuse des trous...

  • I

    Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours.

    Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
    Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
    Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
    Mon coeur ne...

  • Une fois, une seule, aimable et douce femme,
    A mon bras votre bras poli
    S'appuya (sur le fond ténébreux de mon âme
    Ce souvenir n'est point pâli) ;

    Il était tard ; ainsi qu'une médaille neuve
    La pleine lune s'étalait,
    Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,
    Sur Paris dormant ruisselait.

    Et le long des maisons, sous les portes cochères,...

  • Imaginez Diane en galant équipage,

    Parcourant les forêts ou battant les halliers,

    Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage,

    Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !



    Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,

    Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,

    La joue et l'oeil en feu, jouant son personnage...

  • Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
    Le Poète apparaît en ce monde ennuyé,
    Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
    Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :

    - " Ah ! que n'ai-je mis bas tout un noeud de vipères,
    Plutôt que de nourrir cette dérision !
    Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères
    Où mon ventre a conçu mon expiation...