• Comme un exilé du vieux thème,
    J'ai descendu ton escalier ;
    Mais ce qu'a lié l'Amour même,
    Le temps ne peut le délier.

    Chaque soir quand ton corps se couche
    Dans ton lit qui n'est plus à moi,
    Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
    Cependant, je dors près de Toi.

    Quand je sors de la vie humaine,
    J'ai l'air d'être en réalité
    Un...

  • Parmi les marbres qu'on renomme
    Sous le ciel d'Athène ou de Rome,
    Je prends le plus pur, le plus blanc,
    Je le taille et puis je l'étale
    Dans ta pose d'Horizontale
    Soulevée... un peu... sur le flanc...

    Voici la tête qui se dresse,
    Qu'une ample chevelure presse,
    Le cou blanc, dont le pur contour
    Rappelle à l'oeil qui le contemple
    ...

  • Elle veille en sa chaise étroite ;
    Quelque roi d'Egypte a sculpté
    Dans l'extase et la gravité
    Le corps droit et la tête droite.

    Moitié coiffe et moitié bandeau,
    Fond pur à des lignes vermeilles,
    Un pan tourne autour des oreilles,
    Sa robe est la prison du Beau.

    Ses yeux, de profonds péristyles
    Où ne passe rien de réel,
    De...

  • Nous habiterons un discret boudoir,
    Toujours saturé d'une odeur divine,
    Ne laissant entrer, comme on le devine,
    Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.

    Une blonde frêle en mignon peignoir
    Tirera des sons d'une mandoline,
    Et les blancs rideaux tout en mousseline
    Seront réfléchis par un grand miroir.

    Quand nous aurons faim, pour...

  • C'est la triste feuille morte
    Que le vent d'octobre emporte,
    C'est la lune, au front du jour,
    Que nulle étoile n'escorte,
    Au soleil, c'est mon amour,
    L'enfant plus pâle que blanche :
    Beau fruit mourant sur la branche !

    Mais quand la nuit est levée
    Je vois la Chère Eprouvée
    Qui n'en rayonne que mieux
    Dans sa pâleur ravivée.
    ...

  • Ni tout noirs, ni tout verts, couleur
    D'espérances jamais en fleur,
    Les ifs balancent des colombes,
    Et cela réjouit les tombes.

    Elles éclatent, dans les ifs,
    Ainsi que des fruits excessifs,
    Effeuillant leurs plumes perdues
    Au vent des vieilles avenues.

    Dans l'azur qui va s'éclairant,
    En haut de l'arbre le plus grand,
    Qui...

  • C'est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;
    C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir
    Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
    Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir ;

    A travers la tempête, et la neige, et le givre,
    C'est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
    C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,
    Où l'on...

  • Lecteur paisible et bucolique,
    Sobre et naïf homme de bien,
    Jette ce livre saturnien,
    Orgiaque et mélancolique.

    Si tu n'as fait ta rhétorique
    Chez Satan, le rusé doyen,
    Jette ! tu n'y comprendrais rien,
    Ou tu me croirais hystérique.

    Mais si, sans se laisser charmer,
    Ton oeil sait plonger dans les gouffres,
    Lis-moi, pour...

  • Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
    " Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
    Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de lumière et de fraternité !

    Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
    De peine, de sueur et de soleil cuisant
    Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
    Mais je ne serai...

  • " D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
    Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? "
    - Quand notre coeur a fait une fois sa vendange,
    Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

    Une douleur très simple et non mystérieuse,
    Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
    Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
    Et, bien que...