Qu'il soit permis au folâtre poète,
En recordant son amour passager,
Mille discours fabuleux ménager,
Et se trompant que son heur il trompette,
De mes Amours, jouir, je ne projette,
Je ne veux point si avant me plonger
Dedans les flots d'un espoir mensonger,
Loin, loin de moi cette erreur je rejette.
D'un bel objet mon âme se repaît,
Un...
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Je ne nourris dans moi qu'une humeur noire
Chagrin, fâcheux, mélancolic, hagard,
Grogneux, dépit, présomptueux, langard,
Je fais l'amour au bon vin et au boire.
De mon esprit toutefois je fais gloire,
Pour le penser être frisque et gaillard,
Et ne tenir nullement du vieillard,
Mais nul que moi ne le se fait accroire.
Pour trop me plaire, à chacun... -
Amour, adieu, je prends congé de toi
Amour, adieu, je m'en vais, je te laisse,
Je ne veux plus aimer cette maîtresse
Qui m'a tenu si longtemps en émoi.
Je ne veux plus la voir rire de moi,
S'éjouissant de me voir en tristesse.
Ni son bel oeil, qui m'oeillade sans cesse,
Ni de sa bouche une parjure foi,
Ni sa beauté, de moi tant admirée,... -
Non, non, je m'en dédis, je suis tien, ma maîtresse,
Je suis tien, je le suis et le serai toujours.
Jusqu'à ce que la mort aura borné mes jours,
Et même après la mort, si l'amour ne nous laisse.
J'ai mille fois juré, fâché de ta rudesse,
De couper le chemin à mes longues amours :
Mais toujours mon désir ressort tout au rebours,
Et tant que je te fuis,... -
Sonnet
Avoir une maison commode, propre et belle,
Un jardin tapissé d'espaliers odorans,
Des fruits, d'excellent vin, peu de train, peu d'enfans,
Posseder seul sans bruit une femme fidèle,
N'avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
Ni de partage à faire avecque ses parens,
Se contenter de peu, n'espérer rien des Grands,
Régler tous... -
Si quand il faut tirer le rideau de la vie
Le cors au departir sent une telle mort,
Que je sens en partant de vous ma douce vie,
Dont la main tient la clef de ma vie et ma mort :
A bon droit un chacun brigue l'heur de la vie,
Tousjours se derobant des griffes de la mort
Mais l'espoir du retour me fait tourner en vie,
En pensant au depart je me parts... -
Traitres yeux mis au guet de ma haute eschauguette
Contre les ennemis du coeur vostre Seigneur,
Que donnés vous passage à l'oeil assassineur
De ma laronne amie en ma moëlle segrette ?
Helas il n'est plus temps de sonner la retraite
Quand le fort est tenu du soldat butineur !
Aussi mon mur sapé par ce cruel mineur,
D'une mer de vos pleurs vous fait... -
Faire ne puis sans deuil et déplaisir
Ce qu'il convient et force est que je fasse.
Devoir requiert ce qu'empêche désir ;
Amour retient ce que raison pourchasse.
Un bien me rit et l'autre me menace ;
Dont entre deux convient que je soupire.
Las ! je veux trop ; mais crainte me retire,
Qui ne permet que mon mal je découvre.
En ce tourment adieu je... -
Si ce qui est enclos dedans mon coeur
Je pense au vrai par écrit vous dépeindre,
Je suis certain que votre grand rigueur
Serait semonce à lamenter et plaindre.
Car si pitié peut noblesse contraindre,
Et tout bon coeur voyant un grief martyre,
J'endure, las ! tant et tant que le dire
N'est rien au mal que j'ai sous joie feinte ;
Et si n'ai rien... -
Ô quel ennui à ceux de départir
Où ferme amour ne peut être offensée ;
Laquelle vient toutefois nous partir
Joie et douleur en secrète pensée.
Il est bien vrai que n'est pas compensée
La joie au mal qu'un chacun de nous porte.
Mais sûre foi de tant nous réconforte
Qu'il n'y a temps, longue absence ou demeure
Qui puisse clore à nos désirs la porte...