• Comme j’ai poursuivi des mirages heureux
    Au fond de tes grands yeux où le rêve s’azure,
    Je veux, pour te payer ma dette avec usure,
    Te faire un monument de mes vers amoureux.

    Comme tes yeux m’ont fait des peines sans mesure,
    Mes vers, en t’exaltant, te seront rigoureux :
    Car ton nom nulle part ne sera dit par eux,
    Et de le bien garder ta tombe sera...

  • Timide, il me souvient qu’un jour je l’ai menée
    Sur la terrasse haute au splendide coup d’œil,
    Où jadis un château gothique sous l’orgueil
    De ses tours a tenu la plaine dominée.

    C’était en juin, le mois le plus doux de l’année,
    Le soir de la Saint-Jean… Les étoiles, au seuil
    Du ciel bleu, surgissaient pâles et comme en deuil,
    La plaine de grands feux...

  • Les vieux tilleuls fleuris embaument… Le parterre,
    Abandonné, végète au gré de la saison.
    De la grille on ne voit qu’un pan de la maison
    Petite et sombre au fond d’un quartier solitaire.

    La maison est petite : et d’un air de mystère
    Les massifs du jardin bornent son horizon.
    Tout ce qu’ont écouté cette ombre et ce gazon
    D’extatiques secrets, on voit...

  • Je voudrais me plonger dans la source féconde
    Où l’herbe au sable fin mêle ses verts réseaux,
    Et reposer auprès de la Naïade blonde
    Qui s’épanouit là comme une fleur des eaux.

    Moi-même j’épandrais de son urne profonde
    La nappe bleue et claire où tremblent les roseaux ;
    Et parfois je ferais envoler des oiseaux,
    Pour voir le reflet noir de leurs ailes...