• Au poète Mérante

    I

    Ami, viens me rejoindre.
    Les bois sont innocents.
    Il est bon de voir poindre
    L'aube des paysans.

    Paris, morne et farouche,
    Pousse des hurlements
    Et se tord sous la douche
    Des noirs événements.

    Il revient, loi sinistre,
    Etrange état normal !
    A l'ennui par le cuistre
    Et par le...

  • Quand nous habitions tous ensemble
    Sur nos collines d'autrefois,
    Où l'eau court, où le buisson tremble,
    Dans la maison qui touche aux bois,

    Elle avait dix ans, et moi trente ;
    J'étais pour elle l'univers.
    Oh! comme l'herbe est odorante
    Sous les arbres profonds et verts !

    Elle faisait mon sort prospère,
    Mon travail léger, mon ciel bleu....

  • (extrait)

    II

    Oh ! Paris est la cité mère !
    Paris est le lieu solennel
    Où le tourbillon éphémère
    Tourne sur un centre éternel !
    Paris ! feu sombre ou pure étoile !
    Morne Isis couverte d'un voile !
    Araignée à l'immense toile
    Où se prennent les nations !
    Fontaine d'urnes obsédée !
    Mamelle sans cesse inondée
    Où pour se...

  • Viens ! - une flûte invisible
    Soupire dans les vergers. -
    La chanson la plus paisible
    Est la chanson des bergers.

    Le vent ride, sous l'yeuse,
    Le sombre miroir des eaux. -
    La chanson la plus joyeuse
    Est la chanson des oiseaux.

    Que nul soin ne te tourmente.
    Aimons-nous! aimons toujours ! -
    La chanson la plus charmante
    Est la...

  • Quand la lune apparaît dans la brume des plaines,
    Quand l'ombre émue a l'air de retrouver la voix,
    Lorsque le soir emplit de frissons et d'haleines
    Les pâles ténèbres des bois,

    Quand le boeuf rentre avec sa clochette sonore,
    Pareil au vieux poëte, accablé, triste et beau,
    Dont la pensée au fond de l'ombre tinte encore
    Devant la porte du tombeau ;...

  • Elle me dit : Quelque chose
    Me tourmente. Et j'aperçus
    Son cou de neige, et, dessus,
    Un petit insecte rose.

    J'aurais dû - mais, sage ou fou,
    A seize ans on est farouche,
    Voir le baiser sur sa bouche
    Plus que l'insecte à son cou.

    On eût dit un coquillage ;
    Dos rose et taché de noir.
    Les fauvettes pour nous voir
    Se penchaient...

  • Voyons, d'où vient le verbe ? Et d'où viennent les langues ?
    De qui tiens-tu les mots dont tu fais tes harangues ?
    Écriture, Alphabet, d'où tout cela vient-il ?
    Réponds.

    Platon voit l'I sortir de l'air subtil ;
    Messène emprunte l'M aux boucliers du Mède ;
    La grue offre en volant l'Y à Palamède ;
    Entre les dents du chien Perse voit grincer l'R ;...

  • Or, nous cueillions ensemble la pervenche.

    Je soupirais, je crois qu'elle rêvait.
    Ma joue à peine avait un blond duvet.
    Elle avait mis son jupon du dimanche ;
    Je le baissais chaque fois qu'une branche
    Le relevait.

    Et nous cueillions ensemble la pervenche.

    Le diable est fin, mais nous sommes bien sots.
    Elle s'assit sous de charmants...

  • Murs, ville,
    Et port,
    Asile
    De mort,
    Mer grise
    Où brise
    La brise,
    Tout dort.

    Dans la plaine
    Naît un bruit.
    C'est l'haleine
    De la nuit.
    Elle brame
    Comme une âme
    Qu'une flamme
    Toujours suit !

    La voix plus haute
    Semble un grelot.
    D'un nain qui saute
    C'est le galop.
    Il fuit, s'élance,...

  • C'est à coups de canon qu'on rend le peuple heureux.
    Nous sommes revenus de tous ces grands mots creux :
    - Progrès, fraternité, mission de la France,
    Droits de l'homme, raison, liberté, tolérance. -
    Socrate est fou ; lisez Lélut qui le confond ;
    Christ, fort socialiste et démagogue au fond,
    Est une renommée en somme très surfaite.
    Terre ! l'obus est Dieu...