• Laboureur ! - Il n'était, ne voulut jamais être
    Que laboureur ; - un beau laboureur, lent et doux
    Et fort comme ses boeufs, qui l'aimaient entre tous
    Leurs bouviers, et venaient très docilement mettre,
    Dès son premier appel, leurs cornes et leurs cous
    Sous le dur joug en bois de hêtre...

    A vingt ans il dut les quitter, étant conscrit ;
    Mais, libéré,...

  • Vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire,
    Tout haut, non pas pour voir protester les amis,
    Mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
    Ce que la veille encore on se croyait permis.

    Avec sincérité, dès que l'aube se lève,
    Se bien persuader qu'on est plus vieux d'un jour.
    À chaque cheveu blanc se séparer d'un rêve
    Et lui dire tout bas un adieu...

  • La beauté que je sers, et qui m'est si cruelle,
    Se peut bien appeler un miracle des cieux,
    C'est la peine du coeur, c'est le plaisir des yeux,
    Et le divin objet d'une flamme immortelle.

    La mère des amours ne fut jamais si belle,
    Ses regards sont partout des vainqueurs glorieux ;
    Et sa bouche qui forme un parler gracieux,
    A l'éclat et l'odeur d'une rose...

  • Maître, quand j'entendis, de par tes doigts magiques,
    Vibrer ce grand Nocturne, à des bruits d'or pareil ;
    Quand j'entendis, en un sonore et pur éveil,
    Monter sa voix, parfum des astrales musiques ;

    Je crus que, revivant ses rythmes séraphiques
    Sous l'éclat merveilleux de quelque bleu soleil,
    En toi, ressuscité du funèbre sommeil,
    Passait le grand vol...

  • Dans le soir triomphal la froidure agonise
    Et les frissons divins du printemps ont surgi ;
    L'Hiver n'est plus, vivat ! car l'Avril bostangi,
    Du grand sérail de Flore a repris la maîtrise.

    Certe, ouvre ta persienne, et que cet air qui grise,
    Se mêlant aux reflets d'un ciel pur et rougi,
    Rôde dans le boudoir où notre amour régit
    Avec les sons mourants que...

  • Quand les pastours, aux soirs des crépuscules roux
    Menant leurs grands boucs noirs aux râles d'or des flûtes,
    Vers le hameau natal, de par delà les buttes,
    S'en revenaient, le long des champs piqués de houx ;

    Bohèmes écoliers, âmes vierges de luttes,
    Pleines de blanc naguère et de jours sans courroux,
    En rupture d'étude, aux bois jonchés de brous
    Nous...

  • Elle était au couvent depuis trois mois déjà,
    Et le désir divin grandissait dans son être,
    Lorsqu'un soir, se posant au bord de sa fenêtre,
    Un bel oiseau bâtit son nid, puis s'y logea.

    Ce fut là qu'il vécut longtemps et qu'il mangea.
    Mais, comme elle sentait souvent l'ennui renaître,
    La soeur lui mit au cou par caprice une lettre...
    L'oiseau ne revint...

  • Les becs de gaz sont presque clos :
    Chauffe mon coeur dont les sanglots
    S'épanchent dans ton coeur par flots,
    Gretchen !

    Comme il te dit de mornes choses,
    Ce clavecin de mes névroses,
    Rythmant le deuil hâtif des roses,
    Gretchen !

    Prends-moi le front, prends-moi les mains,
    Toi, mon trésor de rêves maints
    Sur les juvéniles...

  • Avec l'obsession d'un sanglot étouffant,
    Combien ma souvenance eut d'amertume en elle,
    Lorsque, remémorant la douceur maternelle,
    Hier j'étais courbé sur ma couche d'enfant,

    En la grand'chambre ancienne aux rideaux de guipure,
    Où la moire est flétrie et le brocart fané,
    Parmi le mobilier de deuil où je suis né
    Et dont se scelle en moi l'ombre nacrée et...

  • La poussière s'étend sur tout le mobilier,
    Les miroirs de Venise ont défleuri leur charme ;
    Il y rôde comme un très vieux parfum de Parme,
    La funèbre douceur d'un sachet familier.

    Plus jamais ne résonne à travers le silence
    Le chant du piano dans des rythmes berceurs,
    Mendelssohn et Mozart, mariant leurs douceurs,
    Ne s'entendent qu'en rêve aux soirs de...