• La petite ville sans bruit
    Dort profondément dans la nuit.

    Aux vieux réverbères à branches
    Agonise un gaz indigent ;
    Mais soudain la lune émergeant
    Fait tout au long des maisons blanches
    Resplendir des vitres d?argent.

    La nuit tiède s?évente au long des marronniers...
    La nuit tardive, où flotte encor de la lumière.
    Tout est noir et...

  • Le Séraphin des soirs passe le long des fleurs...
    La Dame-aux-Songes chante à l'orgue de l'église ;
    Et le ciel, où la fin du jour se subtilise,
    Prolonge une agonie exquise de couleurs.

    Le Séraphin des soirs passe le long des coeurs...
    Les vierges au balcon boivent l'amour des brises ;
    Et sur les fleurs et sur les vierges indécises
    Il neige lentement...

  • Au-dessus des grands bois profonds
    L?étoile du berger s?allume...
    Groupes sur l?herbe dans la brume...
    Pizzicati des violons...
    Entre les mains, les mains s?attardent,
    Le ciel où les amants regardent
    Laisse un reflet rose dans l?eau ;
    Et dans la clairière indécise,
    Que la nuit proche idéalise,
    Passe entre Estelle et Cydalise
    L?ombre amoureuse...

  • Vague, perdue au fond des sables monotones,
    La ville d'autrefois, sans tours et sans remparts,
    Dort le sommeil dernier des vieilles Babylones,
    Sous le suaire blanc de ses marbres épars.

    Jadis elle régnait ; sur ses murailles fortes
    La Victoire étendait ses deux ailes de fer.
    Tous les peuples d'Asie assiégeaient ses cent portes ;
    Et ses grands escaliers...

  • Calmes aux quais déserts s'endorment les bateaux.
    Les besognes du jour rude sont terminées,
    Et le bleu Crépuscule aux mains efféminées
    Éteint le fleuve ardent qui roulait des métaux.

    Les ateliers fiévreux desserrent leurs étaux,
    Et, les cheveux au vent, les fillettes minées
    Vers les vitrines d'or courent, illuminées,
    Meurtrir leur désir pauvre aux...

  • Ses longs cheveux d?aurore ogivant son front lisse,
    La Dame du Printemps, en un songe éternel,
    Au bord du lac où sonnent les cors d?Avenel
    Mire les fleurs de sa robe de haute lisse.

    Parmi l?Avril épars, et les tièdes délices,
    Limpide, elle sourit à l?azur fraternel.
    Ses yeux ont la couleur du lac originel,
    Et son corps se balance au rythme des calices....

  • Les jardins odorants balancent leurs panaches.
    L'eau miroite au soleil, et le ciel est heureux.
    Mon coeur, tu peux rentrer dans l'ombre où tu te caches ;
    Ton impuissance insulte au monde vigoureux.

    Dans un tressaillement qui fait craquer l'écorce,
    L'arbre, géant joyeux, tend ses cent bras musclés.
    La terre, ivre de sève, étouffe dans sa force,
    Et la...

  • Au zénith aveuglant brûle un globe de flamme,
    Le ciel entier frémit criblé de flèches d'or.
    Immobile et ridée à peine la mer dort,
    La mer dort au soleil comme une belle femme.

    Ça et là, dans le creux des rochers, une lame
    Blanchit, et par degrés d'un insensible effort
    Les vagues, expirant sur le sable du bord,
    Allongent leur ourlet tiède jusqu'à mon...

  • Je rêve de vers doux et d'intimes ramages,
    De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages,

    De vers blonds où le sens fluide se délie
    Comme sous l'eau la chevelure d'Ophélie,

    De vers silencieux, et sans rythme et sans trame
    Où la rime sans bruit glisse comme une rame,

    De vers d'une ancienne étoffe, exténuée,
    Impalpable comme le son et la...

  • Le calme des jardins profonds s'idéalise.
    L'âme du soir s'annonce à la tour de l'église ;
    Ecoute, l'heure est bleue et le ciel s'angélise.

    A voir ce lac mystique où l'azur s'est fondu,
    Dirait-on pas, ma soeur, qu'un grand coeur éperdu
    En longs ruisseaux d'amour, là-haut, s'est répandu ?

    L'ombre lente a noyé la vallée indistincte.
    La cloche, au...