• Ou mon desir m'assouvira,
    Ou ma tristesse m'occira
    Pour vous, belle, prouchainement,
    Se mon cueur quiert l'alegement
    Du mal que pour vous servir a.

    Ung de ces deux me suffira,
    N'espoir plus ne me mentira,
    Si j'ay de parler hardement,
    Ou mon desir m'assouvira.

    Tout bien ou tout mal m'en ira,
    Car quant vostre bouche dira...

  • Triste plaisir et douloureuse joye,
    Aspre doulceur, desconfort ennuieux,
    Ris en plorant, souvenir oublieux
    M'acompaignent, combien que seul je soye.

    Embuchié sont, affin qu'on ne les voye
    Dedans mon cueur, en l'ombre de mes yeux.
    Triste plaisir et amoureuse joye !

    C'est mon trésor, ma part et ma monoyé ;
    De quoy Dangier est sur moy...

  • Près de ma dame et loing de mon vouloir,
    Plain de desir et crainte tout ensemble,
    Le cueur me fault et le parler me tremble,
    Quant dire doy ce que me fault vouloir.

    Je dis : Belle, vous me faites douloir,
    Mais au besoing crainte mon propos m'emble*
    Pres de ma dame et loing de mon vouloir.

    Or ay je mis toutes a nonchaloir
    Pour une seule...

  • Au feu, au feu qui trestout mon cueur ard
    Par un brandon tiré d'ung doulx regard
    Tout enflambé d'ardent desir d'amours !
    Grace, mercy, confort et bon secours,
    Ne me laissez brusler, se Dieu vous gard.

    Flambe, chaleur, ardeur par tout s'espart,
    Etincelles et fumee s'en part ;
    Embrasé suis du feu qui croist tousjours.
    Au feu, au feu !

    ...

  • Riche d'espoir et povre d'autre bien,
    Comblé de dueil et vuidé de liesse,
    Je vous supply, ma loyalle maistresse,
    Ne me tollez ce que je tiens pour mien.

    Si je le pers, je n'auray jamais bien :
    C'est l'espargne de toute ma richesse,
    Riche d'espoir et povre d'autre bien.

    Souffrir pour vous, hélas, je le vueil bien
    Je n'ay rien mieulx que...

  • Je ne fu nez fors pour tout mal avoir
    Et soustenir les assaulz de Fortune.
    Qu'est ce de bien ? Je ne le puis savoir,
    N'oncques n'en eus ne n'ay joie nesune.
    Je fusse mieulx tout mort cent fois contre une
    Que de vivre si doulereusement.
    Ce que je vueil ne vient tout autrement,
    Car Fortune a pieça ma mort juree.
    Il me desplaist de ma longue duree...

  • Hélas ! qui t?a si jeune enseigné ces mystères
    Et toutes ces douleurs du pauvre c?ur humain ?
    Quel génie au milieu des sentiers solitaires,
    Au sortir du berceau t?a conduit par la main ?

    O chantre vigoureux, ô nature choisie !
    Quel est l?esprit du Ciel qui t?emporte où tu veux ?
    Quel souffle parfumé de sainte poésie
    Soulève incessamment l?or de tes...

  • Oh ! qui me donnera d'aller dans vos prairies,
    Promener chaque jour mes tristes rêveries,
    Rivages fortunés où parmi les roseaux
    L'Yonne tortueuse égare au loin ses eaux !
    Oui, je veux vous revoir, poétiques ombrages,
    Bords heureux, à jamais ignorés des orages,
    Peupliers si connus, et vous, restes touchants,
    Qui m'avez inspiré jadis mes premiers...

  • Dans des vers immortels que vous savez sans doute,
    Dante acceptant d'un prince et le toit et l'appui,
    Des chagrins de l'exil abreuvé goutte à goutte,
    Nous a montré son coeur tout plein d'un sombre ennui ;
    Et combien est amer, pour celui qui le goûte,
    Le pain de l'étranger, et tout ce qu'il en coûte
    De monter et descendre à l'escalier d'autrui...
    Moi, qui ne...

  • Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
    Un amour éternel en un moment conçu :
    Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
    Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
    Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
    Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
    N'osant rien demander et n'ayant rien...