• Passer ses jours à désirer,
    Sans trop savoir ce qu'on désire ;
    Au même instant rire et pleurer,
    Sans raison de pleurer et sans raison de rire ;
    Redouter le matin et le soir souhaiter
    D'avoir toujours droit de se plaindre,
    Craindre quand on doit se flatter,
    Et se flatter quand on doit craindre ;
    Adorer, haïr son tourment ;
    À la fois s'effrayer...

  • Pleurez, Grâces, pleurez, Amours ;
    Pleurez, ô vous bergers sensibles !
    Du chantre de vos moeurs paisibles
    La lyre se tait pour toujours !

    Dans la plus belle des saisons
    Renaîtront les fleurs du bocage ;
    Mais de Florian sous l'ombrage
    Ne renaîtront plus les chansons.

    Fière en secret de vos désirs,
    Si la beauté vous rend les armes,...

  • Dames qui tant braves, écoutez la tempête,
    Dont le ciel éclatant menace votre tête,
    Et s'il y a encor lieu de conversion,
    Quittez vos vanités et ces bombances folles,
    C'est à vous qu'Isaïe adresse ses paroles,
    Si vous êtes au moins des filles de Sion.

    Bourgeoises de Sion au superbe parage,
    Qui marchez le col droit, avec un oeil volage
    Et les...

  • J'aime la profondeur des antiques forêts,
    La vieillesse robuste et les pompeux sommets
    Des chênes dont, sans nous, la nature et les âges
    Si haut sur notre tête ont cintré les feuillages.
    On respire en ces bois sombres, majestueux,
    Je ne sais quoi d'auguste et de religieux :
    C'est sans doute l'aspect de ces lieux de mystère,
    C'est leur profond silence et...

  • Pleurant amèrement mon douloureux servage
    Qui tient mon corps mal sain, mon esprit en souci,
    Le coeur comblé d'amer, le visage transi,
    Cachant l'ombre de vie en une morte image,

    Je cherche vainement qui l'esprit me soulage ;
    Le médecin du corps, j'éprouve vain aussi,
    D'un front saturnien, d'un renfrogné sourcil,
    Je trouve tout ami en amitié volage....

  • Ô de mon bien futur le frêle fondement !
    Ô mes désirs semés en la déserte arène !
    Ô que j'éprouve bien mon espérance vaine !
    Ô combien mon tourment reçoit d'accroissement !

    Ô douloureux regrets ! ô triste pensement
    Qui avez mes deux yeux convertis en fontaine !
    Ô trop soudain départ ! ô cause de la peine
    Qui me fait lamenter inconsolablement !...

  • Rentrez dans vos cartons, robe, rubans, résille !
    Rentrez, je ne suis plus l'heureuse jeune fille
    Que vous avez connue en de plus anciens jours.
    Je ne suis plus coquette, ô mes pauvres atours !
    Laissez-moi ma cornette et ma robe de chambre,
    Laissez-moi les porter jusqu'au mois de décembre ;
    Leur timide couleur n'offense point mes yeux :
    C'est comme un...

  • Au clair soleil de la jeunesse,
    Pauvre enfant d'été, moi, j'ai cru.
    - Est-il sûr qu'un jour tout renaisse,
    Après que tout a disparu ?

    Pauvre enfant d'été, moi, j'ai cru !
    Et tout manque où ma main s'appuie.
    - Après que tout a disparu
    Je regarde tomber la pluie.

    Et tout manque où ma main s'appuie.
    Hélas ! les beaux jours ne sont...

  • L'âge d'or précieux
    Délaissant la terre ronde,
    Saturne, chassé des cieux,
    Laissa l'empire du monde.

    Et lors ses trois fils, pervers,
    Avançant leur héritage,
    Départirent l'univers
    Chacun selon son partage.

    Jupiter eut par hasard
    Le ciel tournoyant la terre,
    Et fortifia sa part
    Des foudres et du tonnerre.

    ...

  • O combien est heureux
    Celui qui se contente
    Des biens si plantureux
    Que nature présente !
    Autres biens que ceux-ci
    Sont meslés de souci.

    J'ai toute suffisance
    Que la vie requiert:
    Qui abonde en chevance
    Pour autrui en acquiert.
    Trésors En vain sont amassés.

    Qui se fonde en l'honneur,
    A Fortune se joue,
    Qui...