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    Ombres de mes sept Sœurs et de mes sept Pensées !
    Toi, par la flèche, et toi, par la pierre lancée
    Au travers de la haie et par-dessus le mur ;
    Toi, par la fleur tendue, et toi, par le fruit mûr
    Offerts l’un à ma bouche et l’autre à mon sourire ;
    Toi que la nuit endort, toi que l’aurore étire,
    Toi qui ruisselles d’eau, toi qui coules de sang,
    ...

  • J’ai feint que des Dieux m’aient parlé ;
    Celui-là ruisselant d’algues et d’eau,
    Cet autre lourd de grappes et de blé,
    Cet autre ailé,
    Farouche et beau
    En sa stature de chair nue,
    Et celui-ci toujours voilé,
    Cet autre encor
    Qui cueille, en chantant, la ciguë
    Et la pensée
    Et qui noue à son thyrse d’or
    Les deux serpents en caducée...

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    Tu m’as vu bien souvent, de ton verger voisin
    Où le pampre vineux annonce le raisin,
    Bien souvent, tu m’as vu, par-dessus cette haie
    Que l’épine hérisse et que rougit la baie,
    Tout un jour, de l’aurore au soir, en mon enclos...
    Il est humble, petit, mélancolique et clos ;
    Sa porte à claire-voie ouvre sur la grand’route ;
    Une fontaine au fond s’...

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    La croisée est ouverte; il pleut
    Comme minutieusement,
    A petit bruit et peu à peu,
    Sur le jardin frais et dormant,

    Feuille à feuille, la pluie éveille
    L'arbre poudreux qu'elle verdit;
    Au mur, on dirait que la treille
    S'étire d'un geste engourdi.

    L'herbe frémit, le gravier tiède
    Crépite et l'on croirait là-bas...

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    Le quinconce, le buis, les ifs et les cyprès,
    La rocaille coquette et la vasque pensive
    D’où s’épanche ou jaillit l’onde dolente ou vive
    Qui fait l’allée en pleurs ou le carrefour frais ;

    La fontaine qui jase et le bassin auprès
    Qui stagne et que tarit la fissure furtive,
    La statue et l’hermès que la mousse enjolive
    Et le parc qui finit en...

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    Au centre du bassin où le marbre arrondi
    Entoure une onde léthargique qui tressaille
    D’une ride qu’y fait, de son bec qui l’entaille,
    Un cygne se mirant à son miroir verdi,

    Elle cambre son corps qu’une attente roidit ;
    Son pied nu touche l’eau que son orteil éraille,
    Et sa langueur s’accoude à la rude rocaille,
    Et son geste s’étire au métal...

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    Dors lentement avec des rêves
    Légers de l’air pur respiré
    Le long des rives fraternelles
    Où nos pas doubles ont erré.

    Dors doucement avec des songes
    Parfumés des fleurs du chemin
    Qui ce soir encore dans l’ombre
    Sont odorantes de tes mains.

    Dors seule en rêve avec toi-même.
    Sois ton propre songe ; il n’est pas
    D’autre...

  • Prends le livre. Assieds-toi dans l'herbe où ton fuseau
    Également chargé de laine blanche et noire
    Enroule à son ébène et lie à son ivoire
    Son double fil oisif que ne rompt nul ciseau.

    L'herbe frôle en tremblant tes mains; le ciel est beau
    Et la verte prairie autour de toi se moire.
    Vois, regarde passer aux marges du grimoire
    Ou l'ombre d'une feuille...

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    Ce long jour a fini par une lune jaune
    Qui monte mollement entre les peupliers,
    Tandis que se répand parmi l’air qu’elle embaume
    L’odeur de l’eau qui dort entre les joncs mouillés.

    Savions-nous, quand, tous deux, sous le soleil torride
    Foulions la terre rouge et le chaume blessant,
    Savions-nous, quand nos pieds sur les sables arides
    Laissaient...

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    Avec la laideur rustique
    De ton masque biscornu,
    Où le regard raille, oblique,
    La bouche au rire dentu,

    Avec tes cornes pareilles,
    Faune, en pointes à ton front,
    Ton nez et tes deux oreilles,
    On a fait un mascaron

    Qu’on a sculpté dans un marbre
    D’un ocre veiné de sang,
    Qui ressemble aux feuilles d’arbre
    De l’automne...