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    Pour que ton rire pur, jeune, tendre et léger,
                    S’épanouisse en fleur sonore,
    Il faut qu’avril verdisse aux pousses du verger,
                    Plus vertes d’aurore en aurore,

    Il faut que l’air égal annonce le printemps
                    Et que la première hirondelle
    Rase d’un vol aigu les roseaux de l’étang
                    Qui...

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    Une dernière fois reviens en mes pensées,
    O jeunesse aux yeux clairs,
    Et, dans mes mains encor, pose tes mains glacées.
    Le soir parfume l’air.

    Souviens-toi des matins où tous deux, côte à côte,
    Notre ombre nous suivant,
    Sur le sable fragile et parmi l’herbe haute
    Nous allions dans le vent.

    Ce que je veux de toi,

    ce n’est pas, ô...

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    Toute la Gloire avec le glaive et l’étrier,
    Et la terre qui saigne et la mer qui écume,
    Le feutre balayant le parquet de sa plume,
    La Puissance et l’Amour, la rose et le laurier,

    De ce songe royal et de ce bruit guerrier,
    Soleil d’or qui s’efface ébloui dans la brume,
    Il ne reste que l’œuvre anonyme et posthume
    Du marteau d’un sculpteur dans...

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    Glorieuse, monumentale et monotone,
    La façade de pierre effrite au vent qui passe
    Son chapiteau friable et sa guirlande lasse
    En face du parc jaune où s’accoude l’Automne.

    Au médaillon de marbre où Pallas la couronne,
    La double lettre encor se croise et s’entrelace ;
    A porter le balcon l’Hercule se harasse ;
    La fleur de lys s’effeuille au...

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    Le dauphin, le triton et l’obèse grenouille
    Diamantant d’écume et d’or Latone nue,
    Divinité marine au dos de la tortue,
    Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille ;

    La vasque qui retombe ou la gerbe qui mouille,
    La nappe qui décroît, se gonfle ou diminue,
    Et la poussière humide irisant la statue
    Dont s’emperle la mousse ou s’avive la...

  • Rentre. Je ne vois plus ton visage. Rentrons.
    Il est trop tard déjà pour s’asseoir au perron
    Où la mousse est humide et la pierre mouillée.
    La serrure tend à nos mains sa clef rouillée ;
    La porte s’ouvrira toute grande pour nous
    Avec un bruit d’accueil que le soir fait plus doux ;
    Plus tard le gond rétif et le loquet rebelle
    Grinceraient, car toute...

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    Ta robe lente, pas à pas, soulève et traîne
    Un bruit de feuilles d’or et de roses fanées,
    Et dans le crépuscule où finit la journée
    L’automne est las d’avoir entendu les fontaines.

    Si tu passes le long des eaux vastes et vaines,
    La statue, anxieuse et la tête inclinée
    Écoutant dans l’écho le pas de l’autre Année,
    Ne te reconnaît plus et te...

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    Ne crois pas, ô passant, à me voir, quand tu passes,
    Les mains vides, assis à mon seuil où s’enlace,
    Au-dessus de ma tête et de mes cheveux blancs,
    A soi-même le lierre égal et permanent,
    Que je ne sache plus que la terre éternelle,
    De saisons en saisons toujours se renouvelle.
    Je n’ignore pas plus ces choses qu’autrefois
    Quand, pour louer les...

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    Emporte dans tes yeux la couleur de ses eaux.
    Soit que son onde lasse aux sables se répande
    Ou que son flot divers, mine, contourne ou fende
    La pierre qui résiste ou cède à ses travaux ;

    Car, sonore aux rocs durs et plaintif aux roseaux,
    Le fleuve, toujours un, qu’il gémisse ou commande,
    Dirige par le val et conduit par la lande
    La bave des...

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    Le noir lierre aux douces roses enlacé
    Décore le portique et son treillage vert,
    Et l’on voit s’entr’ouvrir le pétale de chair
    Près du feuillage en cœur qui vers lui s’est glissé ;

    Une amoureuse odeur de soir et de passé
    Se mêle au dur parfum terrestrement amer ;
    La fleur de sang sourit à la feuille de fer,
    Car de leur double poids son orgueil...