Crois-moi. N’emprunte rien des hommes. Que tes yeux
Ne le conduisent point sur leur pas anxieux.
N’asservis pas ta faim à la faim d’autres bouches.
Au contraire, sois libre et, s’il le faut, farouche ;
Et plutôt mords ton poing et frappe du talon,
Pour les mieux éloigner, ceux qui te parleront,
Puis, quand tu seras seul, regarde, écoute et veille....
-
-
Laisse le Printemps rire en sa gaine de pierre
Et l’Hiver qui sanglote au socle où il est pris
Jusqu’au torse, et l’Été, grave en ses nœuds fleuris,
Près de l’Automne nu qui s’empampre et s’enlierre ;Laisse la rose double et la rose trémière
Et l’allée à dessins de sable jaune et gris
Et l’écho qui répond au rire que tu ris,
Et viens te... -
Si le jet d’eau s’est tu dans la vasque, si l’or
De la statue en pleurs au centre du bassin
S’écaille sur la hanche et rougit sur le sein,
Si le porphyre rose en l’onde saigne encor ;C’est que tout, alentour, s’engourdit et s’endort
D’avoir été charmant, mystérieux et vain,
Et que l’Écho muet dans l’ombre tend la main
Au Silence à genoux... -
Son bronze qui fut chair l’érige en l’eau verdie,
Déesse d’autrefois triste d’être statue ;
La mousse peu à peu couvre l’épaule nue,
Et l’urne qui se tait pèse à la main roidie ;L’onde qui s’engourdit mire avec perfidie
L’ombre que toute chose en elle est devenue,
Et son miroir fluide où s’allonge une nue
Imite inversement un ciel qu’il... -
Sois heureuse ! qu’importe à tes yeux l’horizon
Et l’aurore et la nuit et l’heure et la saison,
Que ta fenêtre tremble aux souffles de l’hiver
Ou que, l’été, le vent du val ou de la mer
Semble quelqu’un qui veut entrer et qu’on accueille.
Sois heureuse. La source murmure. Une feuille
Déjà jaunie un peu tombe sur le sentier ;
Une abeille s’est... -
Sur la rosace éclose au centre du parquet
Pose ton pied léger, écoute et sois furtive ;
La solitude parle à celle qui arrive ;
N’as-tu pas entendu le marbre qui craquait ?La harpe tremble et vibre à ton pas indiscret,
Le lustre se balance et son cristal s’avive ;
De ce qui semble mort crois-tu que rien ne vive ?
La glace a son fantôme et tout... -
Hercule pour mourir monte sur son bûcher.La terre, — qui déjà ne l’entend plus marcher
Du pas victorieux qu’elle écoutait dans l’ombre
Se hâter vers l’aurore à travers la nuit sombre
Au heurt justicier de son talon errant —
S’étonne de le voir immobile et plus grand
Que lorsqu’il étouffait Antée au large buste,...
Le cri qu’il nous arrache est un hennissement.
J. M. DE HEREDIA.Je t’ai vu devant moi surgir. Tu étais beau.
Le soleil au déclin, de la croupe aux sabots,
T’empourprait tout entier de sa splendeur farouche.
Ardent de ta vitesse et cabré de ta course,
Tu dressais, sur le ciel derrière toi sanglant,
Homme et cheval, le double...
J’ai fleuri l’ombre odorante
Et j’ai parfumé la nuit
De la senteur expirante
De ces roses d’aujourd’hui.En elles se continue,
Pétale à pétale, un peu
Du charme de t’avoir vue
Les cueillir toutes en feu.Est-ce moi, si ce sont elles ?
Tout change et l’on cherche en vain
A faire une heure éternelle
D’un instant qui fut...
Ce matin est si clair, si pur et si limpide
Que les cloches, qui l’ont à l’aurore éveillé
En sa douceur soyeuse et en sa fraîcheur vive,
Semblent tinter au ciel, où longtemps elle vibre,
Une gamme d’argent et de cristal mouillé.Midi. Le fort soleil accable la ramure
Et verse ses rayons sur les choses et pleut
Sa lumière éclatante, impitoyable...