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    Tu n’as jamais sondé des yeux l’immensité
    De nos bois giboyeux, de nos fertiles plaines ;
    Notre fier Saint-Laurent n’a jamais reflété
    Ta voile dans les plis de son grand flot bleuté.
    Et tu t’épris pourtant des plages canadiennes.

    Tu chéris le passé qu’avec tant de succès
    Crémazie évoqua sur sa lyre attendrie.
    Notre histoire, là-bas, t’enflamme...

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    Prestigieux rival des grands maîtres d’Europe,
    Poitrinaire à la fois viril et défaillant,
    Tu fus un être unique, et le cœur d’un vaillant
    Battait robustement sous ta frêle enveloppe.

    Aux plus grandes douleurs sachant te résigner,
    Tu te montrais pourtant irascible et morose,
    Et quelqu’un nous a dit que le pli d’une rose
    Pouvait meurtrir ton...

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    I

    Un siècle était passé depuis l’heure où la France,
    Lasse de prodiguer sous nos cieux la vaillance,
    Cédait notre grand fleuve aux Anglais triomphants.
    Un siècle était passé depuis l’heure fatale
    Où la mère patrie à sa vieille rivale
    Livrait en nos aïeux la fleur de ses enfants.

    Comme sous le soleil et la brise féconde
    La plaie au...

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    Tu voulus affirmer dans ton drame nouveau
    Que le coq nous rappelle encor l’âme française.
    Erreur ! Non, maître, non, ce n’est pas cet oiseau
    Qui peut symboliser, après Quatre-vingt-treize,
    Celle dont le vol, fier comme la Marseillaise,
    L’emporte au grand soleil éblouissant du Beau [1]...

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    Tu ne te souviens pas d’avoir vu le soleil
    Qui dore l’horizon, le flot, l’arbre, la pierre,
    Car le destin ferma pour toujours ta paupière,
    Sitôt qu’elle eut souri dans ton berceau vermeil.

    Or, quand s’évanouit l’éclair de ta prunelle,
    Le génie en ton âme alluma son flambeau ;
    Et l’œil de ta pensée a vu l’astre du Beau,
    Ton esprit, pour l’...

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    Sans avoir contemplé la plage où sont éclos
    Tes poèmes vibrants d’amour et d’espérance,
    Maître, depuis longtemps je connais la Provence,
    Sa Lyre aux larges vers, son Rhône aux larges flots.

    Ton cher pays me hante, et, malgré la distance,
    Je perçois le soleil qui dore ses tombeaux ;
    J’entends la grande voix du mistral sur les baus,
    Je hume la...

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    Pour le vingt-cinquième anniversaire de sa prise de voile.

    Loin des enchantements du monde, loin du bruit,
    Vingt-cinq ans vous avez, comme la violette
    Exhalant son parfum dans la paix de la nuit,
    Embaumé de vertus votre calme retraite.
    Vingt-cinq ans vous avez, sourde aux cris triomphants
    Des heureux défilant sous votre humble fenêtre...

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    Comme l’aigle, planant sur les plus fiers sommets,
    Fixe l’astre brûlant, et ne répond jamais
    Aux cris du paon rempli de stupide insolence,
    Le poète inspiré, dominant tous les fronts,
    Dans son vol glorieux, dédaigne les affronts
    Que lui jette parfois une sotte opulence.

    Il dédaigne le faste outrageant du vantard,
    Qui, rendu tout-puissant par l...

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    Ainsi que le glaneur, courbé sur le guéret,
    Ramasse le blé d’or égrené dans la plaine,
    Vous recueillez, joyeux et tout fier de l’aubaine,
    Les épis que souvent l’historien, distrait,
    Laisse derrière lui choir de sa gerbe pleine.

    Vous avez la pitié des choses que l’oubli
    Recouvre de son flot ou voile de sa brume ;
    Et des faits délaissés qu’anima...

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    Amant des grandes eaux, des vastes horizons,
    Dans l’âme te sentant la flamme des Jasons,
    Tu brûles de voguer vers la zone lointaine
    Qui vit sombrer, hélas ! tant de puissants agrès,
    Et, pour collaborer à l’œuvre du progrès,
    Tu vas risquer tes jours, ô vaillant capitaine !

    Oui, chez toi c’est le sang des découvreurs qui bat ;
    Le danger te...