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    Le long du quai les grands vaisseaux,
    Que la houle incline en silence,
    Ne prennent pas garde aux berceaux
    Que la main des femmes balance.

    Mais viendra le jour des adieux ;
    Car il faut que les femmes pleurent
    Et que les hommes curieux
    Tentent les horizons qui leurrent.

    Et ce jour-là les...

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    Parfois à mon Passé je vais dire à l’oreille :
    « Je ne suis pas heureux, parlons des premiers jours. »
    Et le dormeur couché que ma prière éveille
    Se dresse avec lenteur en frottant ses yeux lourds.

    Puis joyeux, rajustant ses printaniers atours,
    Encore un peu lassé des fêtes de la veille,
    Il vole, et me conduit de merveille en merveille
    Sous...

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    L’Humanité fragile a fait ses destinées.
    Cette race aux pieds blancs, aux tempes satinées,
    Laboure avec l’espoir d’un immense loisir,
    Plus grande sans bonheur que son Dieu sans désir.
    Cette vie éphémère, insatiable et tendre,
    Qui lui fut imposée, elle a su la défendre ;
    Et son dur créateur, l’affamant sans pitié,
    Père avare d’amour n’est père...

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    Ô poète insensé, tu pends un fil de lyre
                  À tout ce que tu vois,
    Et tu dis : « Penchez-vous, écoutez, tout respire ! »
                  Hélas ! non, c’est ta voix.

    Les fleurs n’ont pas d’haleine ; un souffle errant qui passe
                  Emporte leurs senteurs,
    Et jamais ce soupir n’a demandé leur grâce
                  Aux hivers...

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    Montez, montez, oiseaux, à la fange rebelles,
          Du poids fatal les seuls vainqueurs !
    A vous le jour sans ombre et l’air, à vous les ailes
    Qui font planer les yeux aussi haut que les cœurs !

    Des plus parfaits vivants qu’ait formés la nature,
    Lequel plus aisément plane sur les forêts,
    Voit mieux se...

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    Sur un chemin qu’entoure le néant,
    Dans des pays que nul verbe ne nomme,
    Chaque astre, mû par des bras de géant,
    Roule, poussé comme un roc par un homme.

    Terres sans nombre, étoiles et soleils,
    Tous, prisonniers d’orbites infinies,
    Rouges ou bleus, ténébreux ou vermeils,
    Vont lourdement sous l’effort des Génies.

    On voit marcher en...

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    L’Océan blesse la pensée :
    Par la fuite des horizons
    Elle se sent plus offensée
    Que par la borne des prisons ;

    Et les prisons dans leurs murailles
    N’ont bruits de chaînes ni sanglots
    Pareils au fracas de ferrailles
    Que font dans les rochers les flots.

    Il faut tenir des mains de femme
    Quand on rêve au bord de la mer ;
    Alors...

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    Notre forme au soleil nous suit, marche, s’arrête,
    Imite gauchement nos gestes et nos pas,
    Regarde sans rien voir, écoute et n’entend pas,
    Et doit ramper toujours quand nous levons la tête.

    A son ombre pareil, l’homme n’est ici-bas
    Qu’un peu de nuit vivante, une forme inquiète
    Qui voit sans pénétrer, sans inventer répète,
    Et murmure au Destin...

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    J’aime d’un ciel de mai la fraîcheur et la grâce ;
    Mais, quand sur l’infini mon cœur a médité,
    Je ne peux pas longtemps affronter de l’espace
    La grandeur, le silence et l’immobilité.

    Pascal sombre et pieux me rend pusillanime,
    Il me donne la peur et me laisse effaré
    Quand il porte au zénith et lâche dans l’abîme
    L’homme superbe et vain,...

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    Quand la mer eut donné ses perles à ma bouche,
    Son insondable azur à mon regard charmant,
    Elle m’a déposée, en laissant à ma couche
    Sa fraîcheur éternelle et son balancement.

    Je viens apprendre à tous que nul n’est solitaire,
    Qu’Iris naît de l’orage et le souris des pleurs ;
    L’horizon gris s’épure, et sur toute la terre
    L’Érèbe encor brûlant s...