• Si d'Amour vient mon gracieux martyre,
    L'effet d'Amour, las ! quoy ? quelle chose est-ce ?
    Si bonne elle est, les siens comment oppresse ?
    Pourquoy à mal incessamment les tire ?

    Si mauvaise est, quell' raison ay je à dire
    Doux mon tourment, plaisante ma tristesse ?
    Si elle plaist, à quoi plains je sans cesse ?
    S'elle deplaist, que m'y vault dueil ou...

  • Petit jardin, petite plaine
    Petit bois, petite fontaine,
    Et petits coteaux d'alentour,
    Qui voyez mon être si libre,
    Combien serais-je heureux de vivre,
    Et mourir en votre séjour !

    Bien que vos fleurs, vos blés, vos arbres,
    Et vos eaux ne soient près des marbres,
    Ni des palais audacieux,
    Tel plaisir pourtant j'y retire
    Que mon heur, si je...

  • Bienheureux est celuy, qui loing de la cité
    Vit librement aux champs dans son propre heritage,
    Et qui conduyt en paix le train de son mesnage,
    Sans rechercher plus loing autre felicité.
    Il ne sçait que veult dire avoir necessité,
    Et n'a point d'autre soing que de son labourage,
    Et si sa maison n'est pleine de grand ouvrage,
    Aussi n'est-il grevé de grand'...

  • Ce n'est pas moy qui sçait d'une voix feinte,
    Ou d'un semblant traitrement deguisé,
    Feindre mon cueur d'un amour embrasé,
    Pour à tous vents la flamme en estre esteinte.
    Autre'que moy d'une menteuse plainte
    Aura l'honneur des dames abusé,
    Car sois-je pris, ou sois-je refusé,
    J'ayme tousjours d'une amitié plus sainte.
    Et si chantant d'une debile voix,...

  • Tandis que je me promeine
    Parmy cette belle pleine,
    Et qu'en resvant je m'en vois
    Promener parmy ces bois,
    Je sens mon couler dans mon âme
    Un souvenir de ma Dame,
    Qui me faict aussi soubdain
    Faire un tel souhait en vain.

    Pleust au dieu par qui j'essaie
    Quelle est l'amoureuse plaie,
    Que celle qui m'a ravy,
    Celle qui tient asservy...

  • Je cherche paix, et ne trouve que guerre,
    Ores j'ay peur, ores je ne crains rien,
    Tantost du mal et tantost j'ay du bien,
    Je vole au ciel et ne bouge de terre.

    Au cueur doubteux l'espérance j'enserre,
    Puis tout à coup je luy romps le lyen,
    Je suis à moy et ne puis estre mien,
    Suyvant sans fin qui me fuyt et m'enferre.

    Je voy sans yeux, je...

  • Sur le bord d'un beau fleuve Amour avoit tendu
    Un filé d'or tissu d'un excellent ouvraige,
    Et là tout seul assis il sembloit qu'au passage
    Il eust quelque gibier longuement attendu.
    J'estoy franc et dispost, mais trop mal entendu,
    Et mon c?ur s'égayoit, mal cault par le rivage,
    Quand je le senti prendre et reduyre en servage,
    Et tout soubdain Amour l'emmener...

  • J'ay fait preuve des deux, meshuy je le puis dire :
    Sois je pres, sois je loing, tant mal traicté je suis,
    Que choisir le meilleur à grand' peine je puis,
    Fors que le mal present me semble tousjours pire.

    Las ! en ce rude choix que me fault il eslire ?
    Quand je ne la voy point, les jours me semblent nuits ;
    Et je sçay qu'à la voir j'ai gaigné mes ennuis...

  • Lors que lasse est de me lasser ma peine,
    Amour, d'un bien mon mal refreschissant,
    Flate au coeur mort ma playe languissant,
    Nourrit mon mal, et luy faict prendre alaine.

    Lors je conçoy quelque esperance vaine ;
    Mais aussi tost ce dur tyran, s'il sent
    Que mon espoir se renforce en croissant,
    Pour l'estoufer, cent tourmans il m'ameine.

    ...

  • Vous qui aimez encore ne sçavez,
    Ores, m'oyant parler de mon Leandre,
    Ou jamais non, vous y debvez aprendre,
    Si rien de bon dans le coeur vous avez.

    Il oza bien, branlant ses bras lavez,
    Armé d'amour, contre l'eau se deffendre
    Qui pour tribut la fille voulut prendre,
    Ayant le frere et le mouton sauvez.

    Un soir, vaincu par les flos...