Quand je vous livre mon poème,
Mon cœur ne le reconnaît plus :
Le meilleur demeure en moi-même,
Mes vrais vers ne seront pas lus....
Figure-toi, lecteur, que ton mauvais génie
T'a fait prendre ce soir un billet d'Opéra.
Te voilà devenu parterre ou galerie,
Et tu ne sais pas trop ce qu'on te chantera.
Il se peut qu'on t'amuse, il se peut qu'on t'ennuie;
Il se peut que l'on pleure, à moins que l'on ne rie;
Et le terme moyen, c'est que l'on bâillera.
Qu'importe? c'est la mode, et le...
Quelle puissance Amytié puisse avoir,
Quand la vertu y est au vif empraincte,
Tu le pourras clerement icy veoir,
Appercevant une affection saincte
De chaste amour si haultement attaincte
En foy loyalle, & si bien poursuyvie,
Quelle peult cy, sans aucune contraincte,
(Maulgré la Mort) faire taire l’Envie.
Quelle puissance amitié puisse...
Il n'est pas dit que toujours faille écrire
Propos d'amour et matière joyeuse ;
Communément l'homme changer désire
Et longue joie est souvent ennuyeuse.
Qui veut savoir combien paix est heureuse,
Hanter lui faut guerre, noise, et, contents,
L'on juge aussi jeunesse vigoureuse
Quand on est vieux : toute chose a son temps.
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs...
Jusqu'à présent, lecteur, suivant l'antique usage,
Je te disais bonjour à la première page.
Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ;
En vérité, ce siècle est un mauvais moment.
Tout s'en va, les plaisirs et les moeurs d'un autre âge,
Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant,
Rosafinde et Suzon qui me trouvent trop sage,
Lamartine...