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    Il est des diamants aux si rares lueurs
    Que, pris par les voleurs ou perdus dans la rue,
    Ils retournent toujours aux rois leurs possesseurs.
    Ainsi j’ai retrouvé ma chère disparue.

    Mais quelquefois, brisée, à des marchands divers
    La pierre est revendue, à moins qu’un aspect rare
    Ne la défende. En leurs couleurs, en leurs éclairs,
    Ses débris...

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    À Antoine Cros.

    Au bord d’un étang bleu dont l’eau se ride
    Sous le vent discret d’une nuit d’été,
    Parmi les jasmins, foulant l’herbe humide
    Avez-vous jamais, rêveur, écouté

    La voix de la vierge émue et timide
    Qui furtive, un soir, pour vous a quitté
    Le foyer ami — depuis froid et vide —
    Où, les parents morts, plus rien n...

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    I

    Pour fuir l’ennui que son départ me laisse,
    Pendant le jour, je m’en vais au travers
    Des bois, cherchant les abris bien couverts.
    Comme deux chiens qu’on a couplés en laisse,
    Deux papillons courent les taillis verts.
    Lors, je m’étends dans l’herbe caressante.
    Les moucherons, les faucheux, les fourmis
    Passent sur moi, sans que mon...

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    Il marche à l’heure vague où le jour tombe. Il marche,
    Portant ses hauts bâtons. Et, double ogive, l’arche
    Du pont encadre l’eau, couleur plume de coq.
    Il a chaud et n’a pas le sou pour prendre un bock.
    Mais partout où ses pas résonnent, la lumière
    Brille. C’est l’allumeur humble de réverbère
    Qui, rentrant pour la soupe, avec sa femme assis,
    L...

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    À Monsieur Ernest Legouvé.

    Ravi des souvenirs clairs de l’eau dont s’abreuve
    La terre, j’ai conçu cette chanson du Fleuve.

    Derrière l’horizon sans fin, plus loin, plus loin
    Les montagnes, sur leurs sommets que nul témoin
    N’a vus, condensent l’eau que le vent leur envoie.
    D’où le glacier, sans cesse accru, mais qui se broie
    Par...

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    À Victor Meunier.

    J’ai pénétré bien des mystères
    Dont les humains sont ébahis :
    Grimoires de tous les pays,
    Êtres et lois élémentaires.

    Les mots morts, les nombres austères
    Laissaient mes espoirs engourdis ;
    L’amour m’ouvrit ses paradis
    Et l’étreinte de ses panthères.

    Le pouvoir magique à mes mains
    Se...

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    À Eugène Zerlaut.

    Voici le matin ridicule
    Qui vient décolorer la nuit,
    Réveillant par son crépuscule
    Le chagrin, l’intrigue et le bruit.

    Corrects, le zinc et les ardoises
    Des toits coupent le ciel normal,

    On dort, dans les maisons bourgeoises.
    Je ne dors pas. Quel est mon mal ?

    Est-ce une vie antérieure
    Qui...

  • « Joujou, pipi, caca, dodo. »
    « Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. »
    Le moutard gueule, et sa sœur tape
    ...

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    Jadis je logeais haut, tout contre la gouttière :
    Tapi souvent à ma fenêtre en tabatière,
    Rêvant à ma misère, à tant d’affronts subis,
    J’écoutais les marchands de légumes, d’habits :
    Et les tuyaux des toits, chefs-d’œuvre des fumistes,
    Rayaient de noir le fond de mes grands yeux si tristes,
    J’entendais quelquefois un doux bruit de grelots,
    Et...

  • Je veux ensevelir au linceul de la rime
    Ce souvenir, malaise immense qui m’opprime.

    Quand j’aurai fait ces vers, quand tous les auront lus,
    Mon mal vulgarisé ne me poursuivra plus.

    Car ce mal est trop grand pour que seul je le garde ;
    Aussi j’ouvre mon âme à la foule criarde.

    Assiégez le réduit de mes rêves défunts,
    Et dispersez ce qu’il y reste de...