• A Hélias Boniface, d'Avignon.

    Voyant l'homme avaricieux,
    Tant misérable et soucieux,
    Veiller, courir et tracasser,
    Pour toujours du bien amasser
    Et jamais n'avoir le loisir
    De s'en donner à son plaisir,
    Sinon quand il n'a plus puissance
    D'en percevoir la jouissance,
    Il me souvient d'une alumelle,
    Laquelle, étant luisante et belle...

  • Loisir et liberté
    C'est bien son seul désir ;
    Ce serait un plaisir
    Pour traiter vérité.
    L'esprit inquiété
    Ne se fait que moisir ;
    Loisir et liberté,
    S'ils viennent cet été,
    Liberté et loisir,
    Ils la pourront saisir
    A perpétuité,
    Loisir et liberté.

  • Un jour de may, que l'aube retournee
    Rafraischissoit la claire matinee,
    Afin d'un peu recreer mes esprits,
    Au grand verger, tout le long du pourpris
    Me promenois par l'herbe fraische et drue,
    Là où je vis la rosee espandue.
    L'aube naissante avoit couleur vermeille
    Et vous estoit aux roses tant pareille
    Qu'eussiez douté si la belle prenoit
    ...

  • Les aveugles et violeurs
    Pour ôter aux gens leurs douleurs
    Chantent toujours belles chansons ;
    Et toutefois par chants et sons
    Ils ne peuvent chasser les leurs.

    Ce qu'ils chantent en leurs malheurs,
    Ils aiment mieux que les couleurs
    Ou moins qu'enfants longues leçons,
    Les aveugles.

    En chantant ils pensent ailleurs,
    Mêmement...

  • A Claude Bectone, Dauphinoise.

    Si Amour n'était tant volage
    Ou qu'on le pût voir en tel âge
    Qu'il sût les labeurs estimer,
    On pourrait bien sans mal aimer.

    Si Amour avait connaissance
    De son invincible puissance,
    Laquelle il oit tant réclamer,
    On pourrait bien sans mal aimer.

    Si Amour découvrait sa vue
    Aussi bien qu'il fait...

  • Au lecteur des 'Nouvelles récréations et joyeux devis'.

    Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
    Ces miens devis, si vous ne contraignez
    Le front maintien de vos fronts rechignés ;
    Ici n'y a seulement que pour rire.

    Laissez à part votre chagrin, votre ire,
    Et vos discours de trop loin désignés.
    Une autre fois vous serez enseignés ;
    Je me...

  • Ô nuict, heureuse nuict, plus blanche que l'aurore,
    Plus belle que le jour par son astre esclairé,
    Qui pour nous faire voir ce Christ tant desiré
    Ouvrez en même temps le ciel, la terre encore.

    Chasse loing de mon coeur ce froid, qui le devore,
    Et ces obscurs brouillas dont il est entouré,
    Afin qu'à ceste fois par tes feux espuré,
    Il coure voir son...

  • Il estoit bien seant que ce corps veritable,
    Qui fut le vestement du grand verbe incarné
    Fust conceu d'un pur sang sainctement façonné
    D'une qui ne se vist d'aucun peché coulpable.

    Il estoit bien seant, qu'à ce saint corps mourable
    Mort en fin pour ceux là pour lesquels il fut né
    Par un juste, et sainct homme un tombeau fut donné,
    Neuf et net qui ne...

  • Quelles obscuritez, quels importuns nuages
    Vont de mon ame, helas, le jour obscurcissant !
    Son Soleil n'y luit plus, et le teint palissant
    De la lune n'y rend que frayeur, et qu'ombrages.

    Il ne luy suffit pas qu'ell' ait perdu tels gaiges
    De l'amour de son Dieu qui la va delaissant,
    De son oeil chassieux le trait s'afoiblissant
    D'un tel aveuglement...

  • Ce n'est pas sans raison, que l'homme on accompare
    A l'arbre renversé, dont la racine en haut
    La cyme tend en bas, puisque tousjours il faut
    Qu'il ait son centre au Ciel, qu'il ait son Dieu pour phare.

    Comme de son tresor vit le coeur de l'avare,
    Et de tous autres biens rien du tout ne luy chaut,
    Ainsi l'homme chrestien né pour franchir ce saut
    ...