• Qu’il faisait calme & beau, ce soir-là ! L’Angelus
    Tintait naïvement de village en village,
    Les flots du lac roulaient déferlant sur la plage,
    La rainette chantait au revers du talus.

    Une charrette au loin, de deux bœufs attelée,
    Passait. Nonchalamment assis sur le brancard,
    Gaule au poing, pieds pendants, le bouvier nasillard
    Éveillait en...

  • Quand le vieux Gœthe un jour cria : « De la lumière ! »
    Contre l’obscurité luttant avec effort,
    Ah ! lui du moins déjà sentait sur sa paupière
    Peser le voile de la mort.

    Nous, pour le proférer ce même cri terrible,...

  •  
    Ne sauras-tu Jamais, misérable poète,
    Vaincre la lâcheté du rêve et des amours,
    Au vent du sort contraire accoutumer ta tête,
    Comme tous les vivants lutter dans la tempête,
    Ou te croiser les bras sans crier au secours ?

    A droite, à gauche, vois ! sur la mer où nous sommes
    Chacun risque sa voile et jette son appui ;
    Nul ne sait d’où tu viens ni...

  •  
    C’était au milieu de la nuit,
    Une longue nuit de décembre ;
    Le feu, qui s’éteignait sans bruit,
    Rougissait par moments la chambre.

    On distinguait des rideaux blancs,
    Mais on n’entendait pas d’haleine ;
    La veilleuse aux rayons...

  • Toi qui verses les parfums des coupes d’or
    Pour des libations aux nymphes de Sicile,
    L’audace de la Lyre a tenu ton bras fort.

    Quel nom sonnerait mieux sur la corde docile,
    Qui mènerait le chœur neuvain des doubles monts,
    Vers qui s’élèverait du rivage des îles
    ...

  • Il me paraît incontestable,
    Après mûre réflexion,
    Que des seuls plaisirs de la table
    Vient la Civilisation.

    Ainsi, quand à nos bons ancêtres
    Le mystère fut révélé,
    Du vin suave, aussi du blé,
    Ils en firent des dieux champêtres ;
    Les adorèrent tant et plus
    Sous les noms dé Cérès, Bacchus…
    Et voilà, sans le moindre doute,
    La...

  •  
    Ô Mémoire, qui joins à l’heure
    La chaîne des temps révolus,
    Je t’admire, étrange demeure
    Des formes qui n’existent plus !

    En vain tombèrent les grands hommes
    Aux fronts pensifs ou belliqueux :
    Ils se lèvent quand tu les nommes,
    Et nous conversons avec eux ;

    ...

  •  
    Vierge, ton corps, luisant de la fraîcheur marine,
    Où l’apporta la vague est à peine arrêté.
    A tes mobiles bras, au pli de ta narine
    On devine ta race et ta divinité ;
    O fille de Nérée, on voit que ta poitrine
    Se polit au flot grec durant l’éternité.

    Ta bouche est plus qu’humaine, et tes vives prunelles
    Sont divines ! Leurs feux feraient mûrir...

  •  
    Voix antiques des flots, de la terre et des airs,
    Ecroulements lointains qui suivent les éclairs,
    Frisson du lourd blé jaune aux taches de pivoines,
    Chuchotement léger des fuyantes avoines,
    Clairon des ouragans, fracas des grandes eaux,
    Respiration vague et molle des roseaux,
    Élégie enchaînée au fond des sources creuses,
    Lamentable soupir des...

  •  
    Au bout du sombre Finistère,
    D’énormes rochers au pied noir
    Protègent contre l’eau la terre.
    On les entend parler le soir :

    « Hélas ! depuis combien d’années
    Brisons-nous l’onde au même lieu ?
    Toutes les pierres sont damnées,
    Les vivants seuls plaisent à Dieu.

    « Pour qui faisons-nous sentinelle ?
    Pour des favoris étrangers !...