• Le jour tombait, une pâle nuée
    Du haut du ciel laissait nonchalamment,
    Dans l’eau du fleuve à peine remuée,
    Tremper les plis de son blanc vêtement.

    La nuit parut, la nuit morne et sereine,
    Portant le deuil de son frère le jour,
    Et chaque étoile à son trône de reine,
    En habits d’or, s’en vint faire sa cour.

    On entendait pleurer les tourterelles...

  •  

    À Louis Boulanger.

    Il faisait nuit dans moi, nuit sans lune, nuit sombre ;
    Je marchais en aveugle et tâtant le chemin,
    Les deux bras en avant, le long des murs, dans l'ombre.

    Mon conducteur céleste avait quitté ma main,
    J'avais beau me tourner vers l'étoile polaire,
    Un nuage éteignait ses prunelles d'or fin.

    La bella...

  •                   Avril est de retour.
                      La première des roses,
                      De ses lèvres mi-closes,
                      Rit au premier beau jour ;
                      La terre bienheureuse
                      S’ouvre et s’épanouit ;
                      Tout aime, tout jouit.
    Hélas ! j’ai dans le cœur une tristesse affreuse.

    ...
  • Les mouettes volent et jouent ;
    Et les blancs coursiers de la mer,
    Cabrés sur les vagues, secouent
    Leurs crins échevelés dans l’air.

    Le jour tombe ; une fine pluie
    Éteint les fournaises du soir,
    Et le steam-boat crachant la suie
    Rabat son long panache noir.

    Plus pâle que le ciel livide
    Je vais au pays du charbon,
    Du brouillard et...

  • À vous, Martirio, Dolorès, Gracia,
    Sœurs de beauté, bouquet de la tertulia,
    Que tout fin cavalier nomme à la promenade
    Les Nymphes du Jénil, les perles de Grenade,
    À vous ces vers écrits en langage inconnu
    Par l’étranger de France à l’Alhambra venu,
    Où votre nom, seul mot que vous y saurez lire,
    Attirera vos yeux et vous fera sourire,
    Si...

  • Au long des murs, quand le soleil y donne,
    Pour réchauffer mon vieux sang engourdi,
    Avec les chiens, auprès du lazarrone,
    Je vais m’étendre à l’heure de midi.

    Je reste là sans rêve et sans pensée,
    Comme un prodigue à son dernier écu,
    Devant ma vie, aux trois quarts dépensée,
    Déjà vieillard et n’ayant pas vécu.

    Je n’aime rien, parce que rien ne...

  • Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande ;
    Et telle est ma beauté, que l’avare Flamand
    Paye un de mes oignons plus cher qu’un diamant,
    Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande.

    Mon air est féodal, et, comme une Yolande
    Dans sa jupe à longs plis étoffée amplement,
    Je porte des blasons peints sur mon vêtement,
    Gueules fascé d’...

  •  
    Je n’ai jamais rien lu de Wordsworth, le poète
    Dont parle lord Byron d’un ton si plein de fiel,
    Qu’un seul vers ; le voici, car je l’ai dans la tête :
    Clochers silencieux montrant du doigt le ciel.

    Il servait d’épigraphe, et c’était bien étrange,
    Au chapitre premier d’un roman : — Louisa, —
    Les douleurs d’une fille, œuvre toute de...

  • C’était une âme neuve, une âme de créole,
    Toute de feu, cachant à ce monde frivole
    Ce qui fait le poète, un inquiet désir
    De gloire aventureuse et de profond loisir,
    Et capable d’aimer comme aimerait un ange ;
    Ne trouvant en chemin que des âmes de fange ;
    Peu comprise, blessée au vif à tout moment,
    Mais n’osant pas s’en plaindre, et, sans épanchement...

  • Dans le fronton d’un temple antique,
    Deux blocs de marbre ont, trois mille ans,
    Sur le fond bleu du ciel attique
    Juxtaposé leurs rêves blancs ;

    Dans la même nacre figées,
    Larmes des flots pleurant Vénus,
    Deux perles au gouffre plongées
    Se sont dit des mots inconnus ;

    Au frais Généralife écloses,
    Sous le jet d’eau toujours en pleurs,...