• A Clara.

    Oh ! les yeux adorés ne sont pas ceux qui virent
    Qu'on les aimait, - alors qu'on en mourait tout bas !
    Les rêves les plus doux ne sont pas ceux que firent
    Deux êtres, coeur à coeur et les bras dans les bras !
    Les bonheurs les plus chers à notre âme assouvie
    Ne sont pas ceux qu'on pleure après qu'ils sont partis ;
    Mais les plus beaux...

  • A Armance.

    Eh quoi ! vous vous plaignez, vous aussi, de la vie !
    Vous avez des douleurs, des ennuis, des dégoûts !
    Un dard sans force aux yeux, sur la lèvre une lie,
    Et du mépris au coeur ! - Hélas ! c'est comme nous !
    Lie aux lèvres ? - poison, reste brûlant du verre ;
    Dard aux yeux ? - rapporté mi-brisé des combats ;
    Et dans le coeur mépris ? -...

  • Débouclez-les, vos longs cheveux de soie,
    Passez vos mains sur leurs touffes d'anneaux,
    Qui, réunis, empêchent qu'on ne voie
    Vos longs cils bruns qui font vos yeux si beaux !
    Lissez-les bien, puisque toutes pareilles
    Négligemment deux boucles retombant
    Roulent autour de vos blanches oreilles,
    Comme autrefois, quand vous étiez enfant,
    Quand vos...

  • A Mademoiselle Louise Read.

    Un soir, j'étais debout, auprès d'une fenêtre...
    Contre la vitre en feu j'avais mon front songeur,
    Et je voyais, là-bas, lentement disparaître
    Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur !
    C'était un vieux soleil des derniers soirs d'automne,
    Globe d'un rouge épais, de chaleur épuisé,
    Qui ne faisait baisser le regard à...

  • Elle avait dix-neuf ans. Moi, treize. Elle était belle ;
    Moi, laid. Indifférente, - et moi je me tuais...
    Rêveur sombre et brûlant, je me tuais pour elle.
    Timide, concentré, fou, je m'exténuais...
    Mes yeux noirs et battus faisaient peur à ma mère ;
    Mon pâle front avait tout à coup des rougeurs
    Qui me montaient du coeur comme un feu sort de terre !
    Je...

  • A***.

    Je vivais sans coeur, tu vivais sans flamme,
    Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;
    Tu pris de mes sens, - je pris de ton âme,
    Et tous deux ainsi nous nous partageâme :
    Mais c'est toi qui fis le meilleur cadeau !

    Oui ! c'est toi, merci... C'est toi, sainte femme,
    Qui m'as fait sentir le profond amour...
    Je mis de ma nuit...

  • Oh ! pourquoi voyager ? as-tu dit. C'est que l'âme
    Se prend de longs ennuis et partout et toujours ;
    C'est qu'il est un désir, ardent comme une flamme,
    Qui, nos amours éteints, survit à nos amours !
    C'est qu'on est mal ici ! - Comme les hirondelles,
    Un vague instinct d'aller nous dévore à mourir ;
    C'est qu'à nos coeurs, mon Dieu ! vous avez mis des ailes.
    ...

  • Ex imo.

    C'était dans la ville adorée,
    Sarcophage pour moi des premiers souvenirs,
    Où tout enfant j'avais, en mon âme enivrée,
    Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs !
    C'était là... qu'une après-midi, dans une rue,
    Dont un soleil d'août, de sa lumière drue,
    Frappait le blanc pavé désert, - qu'elle passa,
    Et qu'en moi, sur ses pas, tout mon...

  • A Mademoiselle Marthe Brandès.

    Te souviens-tu du soir, où près de la fenêtre
    Ouverte d'un salon plein de joyeux ébats,
    Tu n'avais pas seize ans... les avais-tu ?... Peut-être ?
    Sous le rideau tombé, nous nous parlions tout bas ?...
    Ce n'était pas l'amour que t'exprimait ma bouche,
    Mon coeur était trop vieux, trop glacé, trop hautain,
    Pour parler à...

  • Je pris pour maître, un jour, une rude Maîtresse,
    Plus fauve qu'un jaguar, plus rousse qu'un lion !
    Je l'aimais ardemment, - âprement, - sans tendresse,
    Avec possession plus qu'adoration !
    C'était ma rage, à moi ! la dernière folie
    Qui saisit, - quand, touché par l'âge et le malheur,
    On sent au fond de soi la jeunesse finie...
    Car le soleil des jours...