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    Le soleil du matin tombe en bruine d’or
    A travers les rideaux de blanche mousseline :
    C’est comme un fin brouillard de lumière en sourdine
    Éclairant l’oreiller d’une blonde qui dort.

    Les cheveux, déroulés comme un torrent de soie
    Riche de tous ses flots trop longtemps contenus,
    Débordent sur l’épaule et baisent les seins nus
    De la femme qui...

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    À M. Ambroise Didot.

    On rencontre parfois des hommes dans la vie ;
    J’en ai vu quelques-uns dans notre âge de fer ;
    Pas une haine au cœur, pas une ombre d’envie,
    Et le monde ignorait ce qu’ils avaient souffert.

    Un front vieilli trop jeune et des lèvres plissées
    N’avaient pas enlaidi d’un faux sourire amer
    Leur visage éclairé par de...

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    LE BERGER.

    Étoile du berger, si tu voulais m’entendre,
    Toi qui brilles là-haut comme un pur diamant ;
    Où mon œil n’atteint pas, ton regard peut descendre.
    Par cette belle nuit tu verras clairement…

    L’ÉTOILE.

    Je vois plusieurs pays… Lequel regarderai-je ?

    LE BERGER.

    Le pays au delà des étangs.

    L’ÉTOILE....

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    À Jules Levallois.

    Vous souvient-il encor des Écritures saintes ?
    Avez-vous contemplé ces vierges aux grands cils
    Qui par Jean de Fiesole, au Val d’Arno, sont peintes.
    Détachant sur fond d’or leurs mystiques profils ?

    Pour faire le portrait de madame Aurélie,
    Il me faudrait l’art pur du maître florentin
    Qui de la Renaissance a charmé...

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    Le rossignol n’est pas un froid et vain artiste
    Qui s’écoute chanter d’une oreille égoïste,
    Émerveillé du timbre et de l’ampleur des sons :
    Virtuose d’amour, pour charmer sa couveuse,
    Sur le nid restant seule, immobile et rêveuse,
    Il jette à plein gosier la fleur de ses chansons.

    Ainsi fait le poëte inspiré. — Dieu l’envoie
    Pour qu’aux...

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    À Théodore de Banville.

    J’entends les curieux dire : « Quel âge a-t-elle ? »
    Vienne la mi-novembre, elle aura quarante ans.
    Peu de femmes ont vu la Saint-Martin si belle ;
    Et l’automne rendrait jaloux bien des printemps.

    Par un sang riche et pur sa lèvre est carminée :
    Jamais un grain de fard n’a refleuri son teint ;
    Elle n’a jamais eu...

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    À Henri Harpignies.

    Le clair ruisseau des bois dit aux fleurs de ses rives :
    Belles que j’aime à voir
    Dans l’abandon charmant de vos grâces naïves,
    À mon discret miroir ;

    Ah ! je voudrais lutter contre mes destinées
    En arrêtant mon cours ;
    Et, vous enveloppant de mes eaux fortunées,
    Baiser vos pieds toujours.

    Le soleil,...

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    I

    En décembre les jours sont de courte durée,
    Notre zone brumeuse est à peine éclairée :
    A la pointe du Raz, dès quatre heures du soir,
    Le soleil tombe en mer, la nuit jette son voile ;
    Et jusqu’au lendemain pas un rayon d’étoile.
    Sur la côte où le flot se brise, tout est noir.

    De la pointe du Raz aux bancs de la...

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    Elle sort de son lit, la Marne aux eaux boueuses.
    Les saules ébranchés que l’on voit sur deux rangs,
    Pris dans le tourbillon jaunâtre des courants,
    Marquent les anciens bords de leurs têtes noueuses.

    Sous les arches des ponts, les eaux, de temps en temps,
    Enchevêtrent, parmi leurs épaves confuses,
    De vieux arbres tombés en longs débris flottants....

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    À Alphonse Lemerre.

    Ce soir, la pleine lune éclaire notre monde.
    De l’abîme des flots elle sort large et ronde.
    Presque au ras de la mer, elle est rouge d’abord ;
    Mais son orbe jaunit, et la grande marée
    Dans son rayonnement monte en houle dorée,
    Et roule ses lueurs jusqu’aux grèves du bord.

    On voit comme en plein jour sur la courbe...