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    Ô mes Alpes, salut ! En vain l’arrêt du monde
    M’interdit vos sommets au nom du cœur humain,
    Et m’invite à la plaine et veut que je réponde
    Aux voix des vils passants, aux bruits du grand chemin :

    Moi, je retourne à vous, au désert mon vieux maître,
    Dans ces bois où j’entends un écho du saint lieu,
    Pour mieux connaître l’homme, et pour l’aimer peut-...

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    Il est frappé, Konrad, sous le drapeau qu’il aime ;
    Il tombe dans sa force ; et le combat suprême
    Apporte au fier vaincu, fauché dans son printemps,
    La belle mort qu’on rêve et qu’on cherche à vingt ans,
    Qui vous prend jeune et pur, encor digne d’envie,
    La mort qui doit guérir et couronner la vie.
    La mort vient, mais trop lente ; au soldat resté seul...

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    La prison de Konrad est sombre ; éclairs funèbres,
    Ses regards de courroux sillonnent les ténèbres.
    Soldat vaincu d’un droit qui succombe avec lui,
    Et doutant de ses dieux, insultés aujourd’hui,
    Il maudit cette foule au cœur bas et frivole,
    Qui fait du crime heureux une insolente idole.
    Blessé sous le drapeau dont il porte le deuil,
    II saigne...

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    À cet âge où, des sens brisant la verte écorce,
    La fleur de l’âme éclate et brille dans sa force,
    Où tout prend une voix et, d’un accent vainqueur.
    Parlant hier aux yeux frappe aujourd’hui le cœur,
    Écolier, dans les bois il marchait plein de rêves.
    Respirant le soleil et le parfum des sèves,
    Il oubliait son livre entre ses mains ouvert,
    Et...

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    L’exil n’interrompt pas l’hymen de deux pensées
    Et les fêtes du cœur une fois commencées.
    Lorsqu’un amour sans tache a fait deux âmes sœurs,
    Rien ne les sèvre plus de ses chastes douceurs.
    Malgré les océans, les steppes, les montagnes,
    Elles vont, dans la vie, ainsi que deux compagnes,
    Comme aux soirs de printemps, où, sous les églantiers,
    ...

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    BÉATRIX

    Mon nom est allégresse, heureux qui le prononce !
    Venez dans mes jardins où l’on est transformé ;
    J’écarterai de vous les cailloux et la ronce.

    Cueillez votre bonheur où Dieu vous l’a semé.
    Pour entrer dans la gloire, où je veux vous conduire,
    C’est peu d’avoir souffert, si l’on n’a pas aimé,

    Si l’on n’a pas compris le ciel dans un...

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    I

    Sur son trône d’argent aux degrés de porphyre,
    Calme, comme les dieux qui peuvent se suffire,
    Le roi, ceint du bandeau par l’orgueil allégé,
    Dans la pourpre de Tyr est mollement plongé ;
    Il a pour escabeau digne de ses sandales
    Les crins de deux lions assoupis sur les dalles ;
    La hache, à ses côtés, veille au bras des licteurs.
    Le...

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    I

    Jésus, vers la montagne accompagné des siens,
    Menacé dans Judas, fuyait les pharisiens.

    C’est chez l’étranger seul que les cités en fête
    Se parent pour offrir un asile au prophète ;
    Craint ou persécuté par d’étroits raisonneurs,
    Toujours sa propre ville est pour lui sans honneurs.

    Il vint près de Sichar, bourg de la Samarie,
    Du gazon...

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    Les vapeurs de novembre et le soir qui commence
    Répandent leur fraîcheur dans notre plaine immense.
    Un reste de clarté, sur un nuage ardent,
    Découpe le profil des grands monts d’occident.
    A l’abri des sommets baignés de vapeur rose,
    Le soleil, déjà las, s’incline et se repose.
    Mais l’homme, infatigable à l’œuvre du labour,
    Profite jusqu’au bout...

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    I

    Allons revoir la place où tomba le grand chêne
    Dont j’interrogeais l’âme et que j’ai tant pleuré ;
    L’herbe a jauni vingt fois et verdi dans la plaine ;
    Et tout, hormis mon cœur, tout s’est transfiguré.

    Surprenons dans ces bois l’œuvre de la nature ;
    Je sais trop ce qu’ont fait et défait les humains,
    Depuis que j’en reçus ma première...