• Mon enfant, ma soeur,
    Songe à la douceur
    D'aller là-bas vivre ensemble !
    Aimer à loisir,
    Aimer et mourir
    Au pays qui te ressemble !
    Les soleils mouillés
    De ces ciels brouillés
    Pour mon esprit ont les charmes
    Si mystérieux
    De tes traîtres yeux,
    Brillant à travers leurs larmes.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme...

  • A J. G. F.

    Je te frapperai sans colère
    Et sans haine, comme un boucher,
    Comme Moïse le rocher !
    Et je ferai de ta paupière,

    Pour abreuver mon Saharah,
    Jaillir les eaux de la souffrance.
    Mon désir gonflé d'espérance
    Sur tes pleurs salés nagera

    Comme un vaisseau qui prend le large,
    Et dans mon coeur qu'ils soûleront...

  • Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !
    Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;
    Je veux te peindre ta beauté,
    Où l'enfance s'allie à la maturité.

    Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,
    Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
    Chargé de toile, et va roulant
    Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent.

    Sur ton...

  • Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
    Loin du noir océan de l'immonde cité,
    Vers un autre océan où la splendeur éclate,
    Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ?
    Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe ?

    La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
    Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
    Qu'accompagne l'immense orgue des...

  • Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
    Babel sombre, où roman, science, fabliau,
    Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
    Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
    Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
    Disait : " La Terre est un gâteau plein de douceur ;
    Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !)
    Te faire un appétit d'une...

  • L'Amour est assis sur le crâne
    De l'Humanité,
    Et sur ce trône le profane,
    Au rire effronté,

    Souffle gaiement des bulles rondes
    Qui montent dans l'air,
    Comme pour rejoindre les mondes
    Au fond de l'éther.

    Le globe lumineux et frêle
    Prend un grand essor,
    Crève et crache son âme grêle
    Comme un songe d'or.

    J'entends le...

  • Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ;
    Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos coeurs maudits,
    Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles,
    Répondent les échos de vos De profundis.

    Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes,
    Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer
    De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes,
    Je l'...

  • La diane chantait dans les cours des casernes,
    Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.

    C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants
    Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents ;
    Où, comme un oeil sanglant qui palpite et qui bouge,
    La lampe sur le jour fait une tache rouge ;
    Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd,
    Imite les...

  • Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
    Traversé çà et là par de brillants soleils ;
    Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
    Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

    Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
    Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
    Pour rassembler à neuf les terres inondées,
    Où l'eau creuse des trous...

  • I

    Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours.

    Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
    Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
    Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
    Mon coeur ne...