• N'oser aimer celui, doué de bonne grâce,
    Qui est à ses amis sans artifice aucun,
    Ne parler à personne, éloigner un chacun,
    Fuir ce que la gloire aimablement pourchasse :

    Marcher piteusement avecque triste face
    Avoir le chef couvert d'un grand voile importun,
    Vivotter mal-en-point - usage trop commun -
    Et comme un prisonnier ne bouger d'une place,
    ...

  • La honte à l'oeil baissé ne me fera point taire,
    Je ne craindrai l'orgueil du causeur affeté,
    Je ne me cacherai pour n'être fréquenté,
    Laissant la sainte Amour qui ne me veut complaire.

    Je connais maintenant mon humeur téméraire,
    C'est trop pour un mortel qu'une Divinité,
    J'aimerai - comme humain - la douce humanité,
    Dont l'invincible mort ne me...

  • Avant que d'adorer le ciel de vos beautés,
    D'un clin d'oeil triplement j'aperçus d'aventure
    Votre visage, Amour, chef-d'oeuvre de Nature,
    Par qui je souffre, hélas, tant d'âpres cruautés !

    Vous teniez ce cristal, miroir des déités,
    Qui me représenta votre sainte figure,
    Et ce riche portrait, riche de la peinture
    Des braves traits naïfs de vos...

  • ... Adieu, mon cher Ronsard ; l'abeille est votre tombe
    Fasse toujours son miel ;
    Que le baume arabic à tout jamais y tombe,
    Et la manne du ciel.
    Le laurier y verdisse avecque le lierre
    Et le mirthe amoureux ;
    Riche en mille boutons, de toutes parts l'enserre
    Le rosier odoreux,
    Le tin, le basilic, la franche marguerite,
    Et notre lis françois
    ...

  • Rondeau

    Brouilleurs de vins, malheureux et maudits,
    Gens sans amour, faux en faits et en dits,
    Qui ne tendez qu'en damnable avarice,
    Soyez certains que divine justice
    Vous punira de bien brief, je le dis,
    Les vins nouveaux vous seront interdits,
    Point n'en boirez ; car des fois plus de dix,
    Dieu qui nous voit connaît votre malice,
    ...

  • Cité d'Auxerre, aimée et renommée,
    Ceux de Paris souvent t'ont habitée
    Pour le beau lieu et aussi pour la grume
    Dont ton haut bruit plus vaut qu'on ne le plume.

    Tu as bon vin, bonne eau, bon blé, bon pain,
    Aussi tu as le corps de saint Germain,
    Et cil qui veut dévotement s'ébattre
    Soudain verra l'église saint Amatre ;
    D'autres corps saints...

  • Je suis Paris, cité de renommée,
    Rien ne me fault ; de Dieu suis gouvernée
    Auprès des blés suis, et près des prairies,
    De beaux jardins, bois et forêts fleuries ;
    Dessous y a la rivière de Seine,
    Laquelle on tient à un chacun bien saine.
    Outre, visez le noble Parlement,
    Où l'on peut voir faire bon jugement ;
    De nuit le guet punit les malfaiteurs...

  • Après qu'Amour par trop mortelle atteinte
    M'eut fait au coeur une plaie piteuse,
    Et qu'il connut que sa flamme amoureuse
    Etait en moi bien ardemment empreinte :

    Il retira sa flèche en mon sang teinte,
    Laissant en moi son humeur venimeuse :
    Mais ma maîstresse (hélas) trop rigoureuse,
    Il ne toucha seulement que par feinte.

    Or pour fuir...

  • Quand près de toi le travail je repose,
    Seule en ce monde image de merveille,
    Du long souci, qui mon penser réveille,
    Et qu'Amour dicte au parler quelque chose,

    Je vois ta face en teint naïf de rose,
    Être à la blanche, ou la rouge pareille,
    Ore pâlir, puis devenir vermeille,
    Tant au changeant ta couleur se dispose.

    Vois que quand l'air...

  • Père du doux repos, Sommeil, père du Songe,
    Maintenant que la nuit, d'une grande ombre obscure,
    Fait à cet air serein humide couverture,
    Viens, Sommeil désiré et dans mes yeux te plonges.

    Ton absence, Sommeil, languissamment allonge
    Et me fait plus sentir la peine que j'endure.
    Viens, Sommeil, l'assoupir et la rendre moins dure,
    Viens abuser mon...