• Je m'appuierai si bien et si fort à la vie,
    D'une si rude étreinte et d'un tel serrement,
    Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie
    Elle s'échauffera de mon enlacement.

    La mer, abondamment sur le monde étalée,
    Gardera, dans la route errante de son eau,
    Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
    Et sur les jours mouvants roule comme un bateau...

  • C'est l'hiver sans parfum ni chants...
    Dans le pré, les brins de verdure
    Percent de leurs jets fléchissants
    La neige étincelante et dure.

    Quelques buissons gardent encor
    Des feuilles jaunes et cassantes
    Que le vent âpre et rude mord
    Comme font les chèvres grimpantes.

    Et les arbres silencieux
    Que toute cette neige isole
    Ont...

  • Nuits où meurent l'azur, les bruits et les contours,
    Où les vives clartés s'éteignent une à une,
    Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour
    Descendent mollement et dansent à la lune,

    Jardin d'épais ombrage, abri des corps déments,
    Grand coeur en qui tout rêve et tout désir pénètre
    Pour le repos charnel ou l'assouvissement,
    Nuit pleine des...

  • Mon ami, quels ennuis vous donnent de l'humeur ?
    Le vivre vous chagrine et le mourir vous fâche.
    Pourtant, vous n'aurez point au monde d'autre tâche
    Que d'être objet qui vit, qui jouit et qui meurt.

    Mon âme, aimez la vie, auguste, âpre ou facile,
    Aimez tout le labeur et tout l'effort humains,
    Que la vérité soit, vivace entre vos mains,
    Une lampe...

  • Le visage de ceux qu'on n'aime pas encor
    Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves,
    Et va s'illuminant sur de pâles décors
    Dans un argentement de lune qui se lève.

    Il flotte du divin aux grâces de leur corps,
    Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
    Il semble qu'ils aient vu les jardins de la mort
    Et que plus rien en eux de réel ne...

  • Vivre, permanente surprise !
    L'amour de soi, quoi que l'on dise !
    L'effort d'être, toujours plus haut,
    Le premier parmi les égaux.
    La vanité pour le visage,
    Pour la main, le sein, le genou,
    Tout le tendre humain paysage !
    L'orgueil que nous avons de nous,
    Secrètement. L'honneur physique,
    Cette intérieure musique
    Par quoi nous nous...

  • Voici que je défaille et tremble de vous voir,
    Bel été qui venez jouer et vous asseoir
    Dans le jardin feuillu, sous l'arbre et la tonnelle.
    Comme votre douceur sur mon âme ruisselle !
    Je retrouve le pré, l'étang, les noyers ronds,
    Les rosiers vifs avec leurs vols de moucherons,
    Le sapin dont l'écorce est résineuse et chaude ;
    Tout le miel de l'été...

  • Ma France, quand on a nourri son coeur latin
    Du lait de votre Gaule,
    Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
    La fougère et le saule,

    Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
    L'odeur de vos feuillages,
    La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
    Dès l'aube de son âge,

    Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
    ...

  • La guitare amoureuse et l'ardente chanson
    Pleurent de volupté, de langueur et de force
    Sous l'arbre où le soleil dore l'herbe et l'écorce,
    Et devant le mur bas et chaud de la maison.

    Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,
    Les désirs ondoyants se balancent au vent,
    Et l'âme qui s'en vient soupirant et rêvant
    Se sent mourir d'espoir, d...