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    Dans un missel datant du roi François premier,
    Dont la rouille des ans a jauni le papier
    Et dont les doigts dévots ont usé l’armoirie,
    Livre mignon, vêtu d’argent sur parchemin,
    L’un de ces fins travaux d’ancienne orfèvrerie
    Où se sentent l’audace et la peur de la main,
              J’ai trouvé cette fleur flétrie.

    On voit qu’elle est très...

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    J’aime d’un ciel de mai la fraîcheur et la grâce ;
    Mais, quand sur l’infini mon cœur a médité,
    Je ne peux pas longtemps affronter de l’espace
    La grandeur, le silence et l’immobilité.

    Pascal sombre et pieux me rend pusillanime,
    Il me donne la peur et me laisse effaré
    Quand il porte au zénith et lâche dans l’abîme
    L’homme superbe et vain,...

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    Entouré de flacons, d’étranges serpentins,
    De fourneaux, de matras aux encolures torses,
    Le chimiste, sondant les caprices des forces,
    Leur impose avec art des rendez-vous certains.

    Il règle leurs amours jusque-là clandestins,
    Devine et fait agir leurs secrètes amorces,
    Les unit, les provoque à de brusques divorces,
    Et guide utilement-leurs...

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    Ah ! chante encore, chante, chante !
    Mon âme a soif des bleus éthers.
    Que cette caresse arrachante
    En rompe les terrestres fers !

    Que cette promesse infinie,
    Que cet appel délicieux
    Dans les longs flots de l’harmonie
    L’enveloppe et l’emporte aux cieux !

    Les bonheurs purs, les bonheurs libres
    L’attirent dans l’or de ta voix,...

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    Quand la mer eut donné ses perles à ma bouche,
    Son insondable azur à mon regard charmant,
    Elle m’a déposée, en laissant à ma couche
    Sa fraîcheur éternelle et son balancement.

    Je viens apprendre à tous que nul n’est solitaire,
    Qu’Iris naît de l’orage et le souris des pleurs ;
    L’horizon gris s’épure, et sur toute la terre
    L’Érèbe encor brûlant s...

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    Va, ne nous plaignons pas de nos heures d’angoisse.
    Un trop facile amour n’est pas sans repentir ;
    Le bonheur se flétrit, comme une fleur se froisse
    Dès qu’on veut l’incliner vers soi pour la sentir.

    Regarde autour de nous ceux qui pleuraient naguère
    Les voilà l’un à l’autre, ils se disent heureux,
    Mais ils ont à jamais violé le mystère
    Qui...

  • Chacun donne à celle qu’il aime
    Les plus beaux noms et les plus doux ;
    Pour moi, c’est ton nom de baptême
    Que je préfère encore à tous.

    Simple et tendre à dire, il me semble
    Pour te désigner le seul bon,
    Et toutes les douceurs ensemble,
    Je te les murmure en ce nom.

    La mélodie en est divine ;
    Tu sais le contre-coup soudain
    Qu’on...

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    Que n’ai-je un peu de voix ! J’ai le cruel ennui
    De sentir mon poème en ma poitrine éclore,
    Et de ne pouvoir pas, plus créateur encore,
    Comme j’ai mis mon cœur, mettre mon souffle en lui

    Le chant aérien l’aisse, après qu’il a fui,
    Des lèvres jusqu’au ciel un sillage sonore
    Où l’âme, rajeunie et plus légère, explore
    Les paradis anciens qu’elle...

  • Un mot me hante, un mot me tue.
    Je l’écoute contre mon gré :
    À le bannir je m’évertue,
    Il me suit, toujours murmuré.

    À l’ancien chant de ma nourrice
    Je le mêle pour l’assoupir,
    Mais, redoutable adulatrice,
    La musique en fait un soupir.

    Je gravis alors la montagne
    Pour l’étouffer dans le grand vent.
    Jusqu’au sommet il m’accompagne...

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    Les lèvres qui veulent s’unir,
    À force d’art et de constance,
    Malgré le temps et la distance,
    Y peuvent toujours parvenir.

    On se fraye toujours des routes ;
    Flots, monts, déserts n’arrêtent point,
    De proche en proche on se rejoint,
    Et les heures arrivent toutes.

    Mais ce qui fait durer l’exil
    Mieux que l’eau, le roc ou le sable,...