• Ils se disent, ma colombe,
    Que tu rêves, morte encore,
    Sous la pierre d'une tombe :
    Mais pour l'âme qui t'adore,
    Tu t'éveilles ranimée,
    Ô pensive bien-aimée !

    Par les blanches nuits d'étoiles,
    Dans la brise qui murmure,
    Je caresse tes longs voiles,
    Ta mouvante chevelure,
    Et tes ailes demi-closes
    Qui voltigent sur les roses !...

  •  

    Nature, où sont tes Dieux ? Ô prophétique aïeule,
    Ô chair mystérieuse où tout est contenu,
    Qui pendant si longtemps as vécu de toi seule
    Et qui sembles mourir, parle, qu’est devenu
    Cet âge de vertu que chaque jour efface,
    Où le sourire humain rayonnait sur ta face ?
    Où s’est enfui le chœur de tes Olympiens ?
    Ô Nature à présent désespérée et...

  • Près du flot glorieux qui baise Mitylène,
    Marchent, vierges en fleur, de jeunes poétesses
    Qui du soir azuré boivent la fraîche haleine
    Et passent dans la nuit comme un vol de Déesses.

    Elles vont, emportant la brise dans leurs voiles,
    Vers le parfum sauvage et les profonds murmures.
    Les lumières d'argent qui tombent des étoiles
    Sur leurs dos gracieux...

  •  
    Il est un triste lac à l'eau tranquille et noire
    Dont jamais le soleil ne vient broder la moire,
    Et dont tous les oiseaux évitent les abords.
    Un chêne vigoureux a grandi sur ses bords,
    Et, courbé par le Temps jusqu'aux ondes, étale
    Sur la cime des flots sa masse horizontale.
    Son feuillage muet se tait malgré le vent ;
    Le nymphaea, l'iris, le...

  • C’est dans un bois sinistre et formidable, au nord
    De la Gaule. Roidis par un suprême effort,
    Les chênes monstrueux supportent avec rage
    Les grands nuages noirs d’où va tomber l’orage ;
    Le matin frissonnant s’éveille, et la clarté
    De l’aube mord déjà le ciel ensanglanté.
      Tout est lugubre et pâle, et les...

  •  
    Nue, et ses beaux cheveux laissant en vagues blondes
    Courir à ses talons des nappes vagabondes,
    Elle dormait, sereine. Aux plis du matelas
    Un sommeil embaumé fermait ses grands yeux las,
    Et ses bras vigoureux, pliés comme des ailes,
    Reposaient mollement sur des flots de dentelles.
    Or, la capricieuse avait, d'un doigt coquet,
    Sur elle et sur le...

  • J'eus cette vision. Les siècles sans repos
    Avaient passé dans l'ombre, ainsi que des troupeaux
    Que le berger pensif ramène à leurs étables
    À l'heure où, pour calmer nos maux inévitables,
    Descend sur nous l'obscur silence de la nuit.
    Dans le brillant palais du roi Zeus, reconstruit
    Au sommet d'un Olympe idéal et céleste,
    Je vis les Dieux. Vainqueurs de...

  • Enfant encore, à l'âge où sur nos fronts éclate
    La beauté radieuse, un jour dans la forêt
    Je vis un Dieu vêtu d'une robe écarlate.

    Secouant ses cheveux que le soleil dorait,
    Il me cria : Veux-tu m'adorer, vil esclave ?
    Et je sentis déjà que mon cœur l'adorait.

    Ses flèches, que tourmente une main forte et brave,
    S'agitaient sous ses doigts ; le lourd...

  •  
    Il est une fontaine heureuse, dont l'eau tombe
    Dans un bassin plus blanc qu'une aile de colombe ;
    Cette eau limpide, avec de clairs rayonnements,
    Sur les dauphins de marbre éclate en diamants.

    Elle rend aux vieillards la jeunesse et la force.
    Mille jeunes Cypris, fières de leur beau torse,
    Sur l'azur de ses flots qui ne sont point amers
    Lèvent...

  • Rhythmé par le marteau sonore,
    Le chant joyeux des forgerons
    S'envole à grand bruit vers l'aurore,
    Plus fier que la voix des clairons.

    Jean et Jacques
    La forge mugissante allume
    Nos fronts par la bise mordus,
    Et son reflet parmi la brume
    Chasse les corbeaux éperdus.

    De la Noël au jour de Pâques,
    Nuit et jour, c'est comme un...